Bilbao 25 Août 2017 – Enrique Ponce triomphe avec deux oreilles, Ginés Marín sauve l’honneur avec une.

Trois-quarts de plaza pour la meilleure entrée de la feria jusqu’à présent, honorée de la présence de l’ex- Roi d’Espagne Juan Carlos Ier. Le lot de Victoriano del Rio disparate de présentation et plus piquant que classieux, a permis à Enrique Ponce de démontrer que face à un adversaire qui ne lui convient pas particulièrement, il est capable de faire ce que les autres figuras n’ont pas fait. Avec intelligence il a su, sans réaliser  des séries complètes, habiller ses remates, mettre en avant les détails et construire un trasteo a más avec un arrimón final inhabituel pour lui. On se souviendra de Cayetano plus pour son geste aux banderilles du second. Quant à Gines Marin il a été bien en dessous des espérances et a sauvé l’honneur avec un grand coup d’épée au dernier.

Le premier Victoriano del Rio est bizco de la droite corne droite avec plus de volume que de tête. Enrique Ponce va jusqu’au centre avec lui, de menos a más, en véroniques élégantes et demie finale. Le bicho s’emploie sous deux piques traseras et appuyées. Le quite de Cayetano Rivera permet de constater que le toro est maintenant sur la réserve dans les capes. Il galope cependant aux banderilles. Brindis au Roi émérite Juan Carlos. Le toro confirme sa réserve dès les premiers muletazos mais conserve la bouche fermée. Enrique Ponce arrive à le faire passer mais l’émotion est inexistante puisque la charge semble être celle d’un invalide. Il insiste sous les protestations d’une partie du public. « Apuntate a otra corrida » (fais-toi engager à une autre corrida, sous-entendu à un autre élevage… plus dur. NDLR) clame une voix du tendido ce qui fait sourire le maestro. Demi-lame tendida et descabello. Sifflets au toro. Silence.

Le quatrième est un toro massif et quelque peu bovin. Coureur, il tarde à se fixer sans laisser Enrique Ponce briller à la cape. Inquiet de la faiblesse du toro, Ponce bâcle la mise en suerte au cheval pour deux rencontres anodines. Les charges se décomposent dans la cape de Luis Fernández « Jocho » à la brega durant le second tiers. Brindis au public. Le tanteo élégant de Ponce confirme la justesse de force du toro. Les premières trajectoires imposées sont précautionneuses. Le Victoriano del Rio impose ensuite son rythme à un maestro qui ne se défile pas et torée ces charges lourdes. À gauche, la tentation du « toque por fuera » lui renvoie le toro dessus avant qu’il ne lie quelques naturelles moins intenses que les derechazos antérieurs. À droite à nouveau, Enrique Ponce profite de la répétition du toro pour l’enrouler sans le laisser sortir de la muleta dans un trasteo plus spectaculaire que classique. Un très bref passage à gauche avec rectitude et élégance donne la « sensation » qu’il a résolu la problématique sur cette corne. Le final à droite en arrimón, dans les tablas, montre que Ponce a totalement pris la mesure de son opposant en dosant à la perfection tous les effets de son répertoire, avec aussi une dose non négligeable de courage. Un grand coup d’épée classique laisse une lame desprendida et efficace. La ferveur du public est totale. Matías González, le président, accorde les deux oreilles d’un coup. Palmas au toro.

Cayetano Rivera Ordoñez, qui fait sa présentation à Bilbao, reçoit un premier opposant trapu et armé large, par quelques véroniques dont certaines de belle allure, demie et revolera. Il soigne la mise en suerte au cheval après avoir donné consigne de mesurer le tercio de varas a tel point que la seconde pique se limite à un choc contre le peto. Les chicuelinas et demie véronique de Ginés Marín mettent en évidence la faiblesse du victoriano. Cayetano demande à Iván García de poser des banderilles aux couleurs de l’Espagne ce qui déclenche une grande division d’opinions. Iván García et Alberto Zayas saluent avec les mérites techniques et artistiques afférents. Brindis au Roi Juan Carlos. Cayetano cite à genoux en tablas pour une série de derechazos et passe de poitrine de grand mérite. La suite à gauche baisse en intensité comme la charge. Ensuite les derechazos font fléchir le bicho. Cayetano insiste et lie à base de douceur à droite. À gauche, il se replace entre les passes en se croisant et tire des naturelles une par une. Les suivantes sont citées de face avec la même conception technique. Une courte série droitière avise que le toro demande l' »espada« . Celle-ci en main, le matador tente de nouvelles naturelles de face plus laborieuses. Pinchazos en exécutant un saut techniquement inapproprié, marque de fabrique du torero. Entière tendida et desprendida. Pétition minoritaire d’oreille. Palmas et salut au tiers.

Le cinquième est bas et bien armé. Cayetano le reçoit par une larga cambiada à genoux, le long des planches, puis par véroniques pieds joints, templées et douces. Le bicho s’emploie sous deux piques traseras qui le font saigner abondamment. Quite de Ginés Marín par medio farol, gaoneras et revolera. Cayetano répond par larga afarolada enchainée avec des gaoneras mobiles mais exposées. Brindis au public avec sifflets des « anti-Espagne ». Le toro prend l’ascendant dans le tanteo que Cayetano compense avec details comme un molinete. Le toro est probón et tire des derrotes violents sur les deux cornes. Le torero ne trouve pas de solutions tout en essayant de bien faire. Malgré une faena courte le toro termine aquerenciado en tablas. Cayetano porte un pinchazo et 3/4 de lame delantera au pas de course, en se profilant de loin.

Le troisième Victoriano del Río se rompt la corne droite en rematant au burladero du Tendido 5.  Il est changé par le second du lot de Ginés Marín. L’animal, au trapío moins imposant que son poids, se montre réservé y compris dans la cape du jeune torero qui exécute un capoteo en conséquence. Le bicho charge la monture « al relance » et provoque un fléchissement du cheval et un abandon inattendu de sa monture par le cavalier (le père du torero, picador Guilermo Marín. NDLR).  Le toro s’emploie sans briller sous deux rations. Brindis au Roi Juan Carlos. Le toro est vif dans les premières charges de tanteo. Au centre Ginés prend la gauche dans une première série en dessous de ce que le bicho laissait espérer. La seconde série est bien meilleure et le torero est en engagement total. À droite le bicho est court et interrompt sa charge au passage de l’homme. La suite à gauche, bien que limpide, n’atteint pas le niveau précédent. Ginés Marín retrouve sur une naturelle et un pase de pecho de la profondeur qui fait réagir le public. Averti sur un cite de face, le torero connait un passage à vide qu’il résout par une série droitière de complément. Manoletinas avant deux pinchazos, un pinchazo profond, avis et deux descabellos. Quelques applaudissements au toro. Palmas et salut aux medios.

Le dernier Victoriano del Río, sobrero, est fin, anovillado même. Ses charges avec un à coup en milieu de passe ne permettent pas à Ginés Marín de briller à la cape. Le toro s’emploie tête relevée sous une pique portée de côté. Le bicho force encore sous la seconde pique visée au même endroit. Brindis à Enrique Ponce. Le toro a tout le mal du monde à se tenir debout dans le tanteo. Sa charge a toujours cette accélération à mi chemin dans les derechazos. Lorsque Marín pèse sur l’embestida il provoque le fléchissement. À gauche, l’animal freine ou s’agenouille à mi-passe. Lorsque Ginés Marín arrive à lier des naturelles, c’est à la limite de se faire enfermer. Le final à droite permet au torero de s’imposer au public plus qu’au bicho devant lequel il finit par trébucher et tomber au sol. Il répond par un arrimón a toro arrêté. Un estoconazo a ley vaut, a lui seul, l’oreille accordée.

René Philippe Arneodau.

Photos: Manu de Alba – Mundotoro

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Une réponse à Bilbao 25 Août 2017 – Enrique Ponce triomphe avec deux oreilles, Ginés Marín sauve l’honneur avec une.

  1. Rivilla dit :

    Una buena estocada de Ponce.

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