Madrid 11 Mai 2018 – 4ème de Feria – Saúl Jiménez « Fortes » aux portes de la gloire.

Le cartel de ce jour était un cartel d’aficionado. Trois-quarts d’entrée l’ont honoré pour partager ce qui sera, très certainement, un des grands moments de la Feria 2018.  En effet « Fortes » a fait étalage à la fois d’une décision inébranlable ainsi que d’une technique simple et efficace.  Le tout marqué sous le sceau de la sincérité la plus émouvante.  Là où beaucoup d’autres toreros jettent l’éponge et optent pour le conventionnel, « Fortes » fait le pari de la pureté.  L’oreille de son second adversaire lui a été injustement refusée alors que la pétition était majoritaire.  Mais le public de Madrid a su reconnaitre et valoriser l’effort du torero en lui proposant une double vuelta sous l’ovation.  Avec son attitude récente, « Fortes » se positionne aux portes de la gloire après avoir été l’objet de nombreux quolibets par le passé.  Les Pedrazas de Yeltes, quant à eux, avec leur charpente développée et leur comportement erratique, nobles mais sans classe, ni casta,  ont mis à l’épreuve la terna.  Certes ils ont parfois proposé des embestidas franches et profondes, mais ce fut sans continuité, ni régularité, alternant avec des charges tronquées ou des trajectoires inattendues.  

Le premier Pedraza de Yeltes de Manuel Escribano est sur la réserve sans jamais se confier dans la cape.  Sa charge est cependant claire et il respecte le leurre.  Sous le fer, le toro met les reins puis retourne de loin.  Les deux fois il sort seul.  Le matador se charge de poser les banderilles.  Le bicho venant au pas et tardant à se confier, la première paire est posée tête passée.  Après un moment de désordre dans la brega de la cuadrilla , la seconde paire est plus réunie au cuarteo.  La troisième est un violín al quiebro le long des planches, les banderilles étant éparpillées sur le garrot du toro. Brindis personnel.  Après tanteo Manuel Escribano prend la droite.  Le Pedraza humilie avec obéissance ( coloca la cara) mais la charge transmet peu.  Il est encore meilleur à gauche mais le torero n’est pas dispoé à mettre sur la table ce dont manque au toro. Les séries conventionnelles provoquent quelques protestations.  Escribano entre a matar avec le même manque de conviction. 3/4 de lame atravesada et descabello. Silence.  

Manuel Escribano va recevoir son second adversaire à puerta gayola.  La larga cambiada de rodillas est réussie malgré l’hésitation du bicho.  Les véroniques qui tardent ensuite à venir, sont bien exécutées ainsi que la demie.  Le toro renverse le cheval et cavalier en attaquant la moitié arrière du peto, comme il le fera à la seconde rencontre également pour affirmer sa touche de mansedumbre.  Quite de Daniel Luque par véroniques et demie pieds joints.  Manuel Escribano prends les banderilles.  Face au TGV qui le charge, il opte pour une réunion tête passée lors des deux premières poses.  La troisième est son classique quiebro cité assis sur l’estribo qui, in extremis, lui vaut les applaudissements, mais aussi  les critiques du T7.  Le double péndulo au centre lui vaut de nouveaux applaudissements.  Mais ce sont les derechazos suivants qui par leur intensité font rugir les « bien ».  À partir de là, la faena va a menos sur les deux cornes.  La charge bien qu’obéissante est molle et irrégulière.  Le torero est appliqué.  Pinchazo et 3/4 de lame tendida et trasera portée avec précaution. Palmas au toro.  Quelques sifflets pour le torero de Gerena.  

Le second Pedraza de Yeltes est massif.  Ses charges incertaines incitent Daniel Luque à la réserve.  Au cheval, le toro obtient une chute en se comportant plus en manso qu’en brave.  Une véronique, dans un quite avorté de Daniel Luque, met l’eau à la bouche.  La seconde rencontre apporte une forte ration de fer.  Quite appliqué et réussi par chicuelinas, véronique et demie de Jimenez Fortes.   Brindis au public.  Daniel Luque appelle le toro depuis le centre.  Ce dernier galope et les derechazos confirment la noblesse de l’animal qui suit la muleta avec entrain.  Dans la deuxième série, l’animal a tendance à appuyer vers le torero et il a parfois du mal à sortir de la muleta .  Luque fait l’effort avec plus de sincérité que de réussite.  À gauche, il perd d’abord un pas entre les passes sans obtenir la ligazón. Puis en restant dans le sitio, il arrive à enchaîner une série et écoute les premiers « bien ».  Il poursuit avec la même sincérité mais sans atteindre l’intensité nécessaire pour Madrid.  Un avis accompagne deux pinchazos et une demi-épée.  Descabellos et silence.

Le quatrième s’escrime avec la cape de Luque, puis met le cavalier de réserve sur la défensive alors qu’il essaye de ne pas tomber de sa monture.  La seconde pique est subie.  L’animal alterne les charges humiliées et les approches au pas qui mettent en difficulté les hommes à pied.  Juan Contreras salue pour deux paires posées en donnant l’avantage au bicho et en posant au balcon.  Daniel Luque cherche d’abord à mettre le bicho dans la muleta à droite.  La charge ne s’améliore pas et ses tentatives pour enchaîner les passes à droite, sans replacement, s’avèrent infructueuses.  À gauche, le pedraza n’offre qu’une demi-charge et Luque ne remonte pas la pente, d’autant plus que le toro se désintéresse finalement du combat.  Entière caída habile.  Silence.

Le troisième toro galope.  Il cherche aussi à sauter la barrière, plus qu’à répondre aux sollicitations de « Fortes ».  Le bicho s’emploie d’abord en manso, puis en poussant par le bas sous le fer. Lors de la deuxième rencontre il évite l’affrontement.  Il sème le désordre lors du second tiers car il est probón et réagit à contre-temps.  Brindis au public.  « Fortes » trouve rapidement le rythme et la position pour attirer et bien conduire la charge du toro.  Le vent et les agenouillements du toro s’invitent comme perturbateurs.  À gauche, le matador présente la muleta avec une sincérité qui s’avère efficace.  De retour à droite, il alterne des derechazos en courant la main et d’autres où il se fait enfermer.  La faena se termine dans une certaine indifférence sur les tendidos.  Bajonazo.  Silence.

Cette décevante corrida de Pedraza se termine avec la sortie en piste d’un tío qui se retourne large entre les passes de cape, ne permettant pas à « Fortes » de briller.  Le Pedraza pousse longuement sous une bonne pique de Francisco de Borja.  La seconde est bien moins réussie alors que le bicho pousse encore.  Quite creatif de « Fortes » par tafalleras torées, presque des cordobinas et un remate de recours voulu tafallera et exécuté en demi.véronique sur le coté opposé.  Brindis personnel.  Les doblones d’entame mettent le bicho dans la flanelle ce qui se sent dans les derechazos qui suivent tirés par le bas.  L’attitude du torero est supérieure.  À gauche. la voltereta arrive parce qu’il ne se laisse aucune de marge de manœuvre.  La charge se raccourcit et « Fortes » impose son aguante, obligeant le bicho à passer.  Tout ce que le toro n’a pas, « Fortes » le met sur le sable sans compter.  Le public ovationne.  Estoconazo légèrement desprendido.  La pétition d’oreille est largement majoritère mais le président reste impassible.  Double vuelta triomphale.

René Philippe Arneodau

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