Saint-Gilles 23/06/2013 Une Oreille pour CASTAÑO. JUAN Le yin et le yang autour de BALTASAR IBAN.

Photo Daniel Chicot

Camille Juan Doblon
Toro Baltasar Iban
Photo Daniel CHICOT

Il convient de rendre hommage à l’Empresa de Saint-Gilles d’avoir programmé avec beaucoup de sérieux cette corrida.  D’abord en sélectionnant un lot d’excellente présentation pour la plaza.  Ensuite pour avoir convaincu deux figuras actuelles de s’affronter à un tel  lot. Et enfin d’avoir agit à l’ancienne, avec sens de l’honneur, en complétant le cartel avec le torero qui avait triomphé l’an dernier, Camille JUAN.

Contrairement à beaucoup de commentateurs et après avoir vu la corrida de Baltasar Iban de Madrid il y a quelques jours, je veux voir le positif qui ressort du lot lidié à Saint-Gilles.  En plus d’une magnifique présentation, je retiens que les toros ont tous poussé sous la pique à un moment ou un autre et y sont revenus avec des degrés variables dans la détermination et le zèle.  Les deuxième et dernier ont eu des moments de doute mais ont tapés fort contre le peto dans au moins une de leur rencontre.  La corrida a été fortement piquée et les varilargueros  se sont pris au jeu dans un spectacle rare de nos jours même dans les arènes de première catégorie en Espagne.  Comme leurs congénères lidiés à Madrid, les Iban ont péché dans la suite du combat.  Certaines embestidas furent de qualité, mais le ton d’ensemble a été d’aller a menos en s’arrêtant, en tardant à attaquer ou en abandonnant le combat comme le sixième.  Cependant, sachant d’où revient cet élevage, les signes sont encourageants et aujourd’hui il y eut un torero pour leur faire honneur.  Le vent a gêné les toreros toute l’après midi.

Antonio FERRERA, chef de lidia, se voit opposé à un premier toro salpicado, aux pointes abimées, plutôt astillano.  Le toro est faible dès la cape dans laquelle il s’ouvre et Ferrera ne force pas son talent.  Ce sera d’ailleurs sa stratégie toute l’après-midi.  Jacques Monnier pique sobrement le bicho en deux rencontres.  Le toro est templado.  Ferrera le banderille moyennement,  terminant par un sesgo por fuera meilleur facture.  La faena essentiellement droitière est dessinée avec précaution, les fesses en arrière en passant le bicho à distance.  En début de faena l’Iban répond aux toques dans des passes données de une en une, puis Ferrera le provoque en fin de faena par zapatillazos,  toujours appréciés par une partie du public sensible à tout ce qui est ostentatoire.  Ce même public goûte aussi l’effet rapide du bajonazo de Ferrera, qui finalement recueille Palmas et salut.

A son second, un sérieux exemplaire bien armado, tendant à apretado, Ferrera le passe de cape en va et vient sans détermination.  Dionisio Grillo pique fortement cet adversaire en trois rencontres, le public vociférant, Ferrera faisant mine de se plaindre dans le dos de son picador qui, de toute évidence,  avait bien compris les ordres qui lui avaient été donnés,  probablement dès après le sorteo.  Pendant que Roberto Bermejo donne au toro une série de capotazos enchainés coté soleil,  Ferrera fait mine de s’offusquer des protestations du public  toujours fâché de l’excès de pique et renonce à poser les palitroques au moment de les brinder.  Le toro reste court dans les muletazos donnés de nouveau avec des zapatillazos, muleta en arrière (retrasada).  Un passage rapide à gauche, comme à son premier, et un retour à droite pour terminer par un ballet en mode poudre aux yeux.  Divers pinchazos et descabellos entachent ce qui aurait pu être  un retour en grâce après la déconvenue des banderilles.  Aplausos au toro et Silence.

Javier CASTAÑO démarre avec un toro corniapretado, montado, plus fin du train arrière.   Il ne le voit pas clair avec la cape et laisse à Tito Sandoval le soin de faire le show en quatre rencontres avec moins d’efficacité qu’à l’habitude.    Marco Galan donne pendant la lidia de bons capotazos.  Fernando Sanchez surpasse Adalid dans l’exposition en banderilles.  Les deux saluent.  A l’instar de Ferrera, Castaño ne s’engage pas de trop dans son trasteo.  S’il est vrai que le toro est rapidement tardo, Castaño garde une marge de sécurité, emploi les toques appuyés, se positionne fuera de cacho et lorsque le toro est parado termine en arrimon, le tout très technique.  Entière desprendida, atravesada, tendida.   Mort spectaculaire du toro suivant le torero et lutant jusqu’au bout.  Palmas au toro et au torero.

Au quinto de la tarde, montado, sérieux, acapachadoCastaño allonge les bras à la cape et ne fait pas l’effort.  Muriel pique en trois rencontres avec sobriété et efficacité en bonne position,  sous la poussée avec les reins du Iban.   Le tiers de banderilles est supérieur de la part des deux banderilleros vedettes qui sont vivement fêtés à juste titre, en partie grâce à la verve du toro.  La faena est à nouveau distante, fesse en arrière (lui aussi), abusant du pico, dans une faena forcée et brouillonne.  La muleta est touchée et le toro termine calamocheando.  L’effort en fin de trasteo et l’arrimoncito permettent à Castaño de laisser une impression plutôt positive qui lui valent la pétition et la concession d’une oreille.  Vuelta au toro sans justification fondamentale.

L’homme du jour à mon sens est Camille JUAN.  Disons le tout de suite,  son manque de sitio et de technique, du au peu de contrats, est notable.  Mais par contre, son courage, sa sincérité ainsi que la pureté des gestes, lorsqu’ils sont réussis, le mettent dans une catégorie à part.  Le bon est du niveau du bon des deux autres compañeros de cartel  lorsqu’ils se produisent dans une arène de première catégorie.  Les gestes de Camille Juan sont à la fois fébriles et d’une intensité rare.  Sont-ils appréciés à leur juste valeur ?  Par les professionnels certainement.  C’est plus compliqué pour le public occasionnel qui ne possède pas les codes pour juger des nuances.  Le toreo de Camille Juan ce jour est celui qui m’a arraché des olés spontanés et qui a fait naître en moi l’émotion.  Son premier bonito est en fait un toro qui a du sentido et qui attaque avec empuje, qui pousse.  Le toreo de cape de Camille Juan est supérieur, engagé et donné par le bas avec baisse d’intensité dans le remate.  Marc Allien pique, avec efficacité, en deux rencontres,  cet opposant qui pousse avec les reins.  Le toro coupe en banderilles sur la corne droite et met en difficulté la cuadrilla.  Dès les premiers muletazos genoux fléchis, Camille Juan fait l’offrande que ses deux compagnons de cartel n’ont pas fait, eux qui commencèrent toutes les faenas par des passes probatoires.  Toreo par le bas terminant à mi hauteur ou par le haut, dominateur, une entame de Madrid.  Le toro attaque fort et avec l’intention de coger.  A droite Camille aguante cette agressivité sourde et donne des passes serrées et torées.  Quand il se retourne le torero maintient son terrain et avance même sur la trajectoire. Le toro commence à raccourcir sa charge mais Camille Juan ne veut pas rompre, au contraire il avance.  A gauche c’est avec l’ayuda que le Nimois s’exprime.  Il est un peu codillero et le vent fini par le mettre en difficulté sur un retour.  Il tombe sous les cornes, à la merci de l’opposant qui est détourné.  La suite est un grand moment de vérité.  Il s’agit de la dernière série à droite.  Le toro gratte le sol, il est très incertain, et tardo.  Camille Juan aguante à nouveau dans un arrimon de verdad tirant des muletazos émouvants.  Entière contraire ressortant par le bas, sous le corps. Palmas et salut qui sont une bien maigre récompense pour une telle prestation.

La corrida se termine avec l’exemplaire le plus aparatoso du lot, haut et armé.  Le toreo de cape, sans atteindre la qualité de celui donné à son premier, est efficace et sincère.  Gabin Rehabi n’est pas a gusto durant les trois rencontres.  Le bicho attaque comme un train à la troisième pique après avoir hésité à la seconde.  Banderillé dans le morillo le toro se plaint et donne des coups de tête violents.  Brindis personnel.  Encore un début de faena de luxe, jambe pliée, de menos a mas cette fois.  Dans la seconde série, le torero cède à la tentation d’ouvrir la porte pour embarquer.  Le toro ne permet pas de longues séries.  Alors il revient à son toreo orthodoxe, donnant de la distance, muleta en avant avec des moments de danger qui ne l’empêche pas d’ensuite relâcher son corps pour donner des muletazos serrés,  terminés par une trincherilla et pecho.  La quatrième série est une tentative à gauche, avec l’ayuda, liée et d’excellent concept alors que le toro est court.  Dans la série suivante le toro se raja subrepticement pour ensuite le faire catégoriquement lors du retour à droite.  Intelligemment Camille Juan le torée dans une dernière série donnée vers les planches.  A l’épée le torero pinche par deux fois avant avis et 1/2  épée très en arrière dans un style inhabituellement laborieux pour lui.

Si Camille Juan n’a pas triomphé aujourd’hui c’est à son manque de réalisme à l’épée  qu’il le doit.  Car sur le fond il n’y a pas photo.  Il est le seul à avoir toréé à la cape avec succès et ses muletazos d’une grande sincérité et engagement  ont marqué la différence avec ceux des compañeros de cartel qui eux ont été plus efficaces, ce jour, dans l’habillage de leur toreo défensif.  Quel dommage que d’autres Empresas n’aient pas le pundonor de celle de Saint-Gilles pour donner sa chance à Camille Juan qui à chaque sortie en piste se joue la vie sans trampa,  dans un toreo fait de yin et de yang, mais où le yang est vraiment exceptionnel d’intensité.   Quelque chose de rare par les temps qui courent.

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