L'ANNÉE MANOLETE (I)

Sa vie de Torero (I)

Cette année 2017, et particulièrement ce mois d’août, sera célébrée la mémoire de Manuel Laureano Rodríguez « Manolete » né le 4 juillet 1917 à Cordoue,  tristement et dramatiquement décédé au matin du 29 août 1947 à Linares (Jaén) à la suite de la cogida mortelle que lui avait infligé la veille le toro « Islero » de Miura.

Très jeune, le cordouan commençait sa carrière de torero sans doute influencé par l’ambiance taurine qui régnait aussi bien dans sa famille que par les garçons de son quartier et de son âge. Il serait commun de dire que le sang qui irriguait ses veines allait naturellement favoriser sa vocation. Il ne pouvait en être autrement car Manolete allait être un des derniers maillons de deux dynasties celle des Rodríguez (les manoletes) et des Molina (les lagartijos) qui remontent à la première moitié du XIXème siècle.  Son progéniteur, décédé en 1923, alors que Manuel n’avait que 5 ans, fut un torero de nom Manuel Rodríguez  Sánchez et d’apodo "Manolete", de certaine renommée, surtout au Mexique dont la carrière en Espagne était dominée, pourrait-on dire submergée, par la révolution du duo Joselito-Belmonte. Son grand-père, fut un modeste banderillero et son grand-oncle, José Dámaso Rodríguez « Pepete », plus connu à la suite de la cornada  mortelle de «Jocinero» de Miura en 1862.  Sa mère Angustias Sánchez avait épousé en premières noces «Lagartijo Chico» (décédé en 1910) neveu de Rafael Molina « Lagartijo », le premier « calife » du toreo de Cordoue.

Dès l’âge de douze ans, après des études primaires écourtées, Manolete courait les capeas et sa chance lui était donnée d’affronter pour la première fois une becerra  lors d’une escapade à la finca El Lobatón de Ricardo López et, le lendemain, il gagnait son premier argent de poche toréant : cinq duros de 1929. C’est au cours d’une tienta chez Florentino Sotomayor qu’il recevait sa première blessure – légère – en présence de Gregorio Corrochano, le fameux chroniqueur taurin et Marcial Lalanda qui le raccompagnait dans sa voiture à Cordoue.

                     

Après son passage par plusieurs écoles taurines de la région de Cordoue et la mise à mort de becerras, arrivait le moment de participer à des becerradas ou novilladas sans picadors et affirmer sa vocation et qualités devant un public… payant. Le 16 avril 1933, jour de Pâques, est la date de la première novillada formelle - plutôt un festival -  à laquelle participait le jeune Manolete avec son cousin « Bebe Chico » et la torera Juanita Cruz avec des novillos de Florentino Sotomayor. On notera que ce jour-là il faisait le paseo en traje campero et ce n’est que le 12 août de cette même année que Manolete revêtait pour la première fois un habit de lumière, dans la plaza de Los Tejares de Cordoue pour mettre à mort un eral de Flores Albarrán. Il coupait une oreille et faisait une vuelta triomphale. Entre-temps Manolete était entré dans la troupe comico-taurine-musicale de Los Califas pour assurer la partie «sérieuse» de la soirée en toréant un becerro et simulacre de la mise à mort.  C’est d’ailleurs avec cette même troupe que Manolete faisait la seule incursion de sa carrière en territoire français en toréant à Arles le 2 juin 1934 en soirée et le lendemain à Nîmes en matinée et soirée. A cette occasion naissait la légende selon laquelle Manolete avait revêtu le traje de luces pour la première fois en France. Nous avons vu que cet évènement eut lieu à Cordoue, l’année précédente, le 12 août 1933. C’est à Madrid, dans une arène de banlieue, celle de Tetuán de Las Victorias, que Manolete était annoncé le 1er mai 1935  pour sa première novillada piquée, à tout juste l’âge de 18 ans. Le cartel était complété par deux novilleros mexicains, l’un d’eux, Silverio Pérez, qui ferait carrière et « Varelito Chico ».  Sur l’affiche, une erreur d’impression affublait Manolete du prénom de Ángel ! A cette occasion, la presse unanime remarquait ses qualités d’estoqueador et le traitait de mauvais capeador et mauvais muletero… Néanmoins, il était répété le 5 mai suivant.

          

1936. La guerre civile venait de commencer et l’Espagne se divisait en deux aussi bien géographiquement que sociétalemment. Naturellement le monde taurin et ses acteurs, les toreros, étaient divisés en deux, les légalistes et les rebelles, les républicains et les fascistes pour faire simple. Au début de la guerre Cordoue était sous contrôle des «soulevés» et le citoyen Manuel Rodríguez Sánchez était mobilisé au mois de mars de 1937 au 1er Régiment d’Artillerie, Batterie 24 comme Artilleur de 2ème Classe. Sa nouvelle condition de militaire n’empêchait pas le novillero Manolete de toréer des festivals au bénéfice des «familles des héros de la Patrie appartenant à la Phalange» ou bien chaque année à l’occasion de Sainte Barbe patronne des artilleurs. Pour cela, il bénéficiait de permissions de ses supérieurs «aficionados». C’est pendant cette période que se renforce l’amitié et la relation professionnelle de Manolete avec José Flores González «Camará», cordouan et ancien torero retiré depuis 1928 qui organisait des spectacles taurins et qui n’hésitait pas à participer aux festivals taurins pendant la guerre en compagnie de son dorénavant protégé. Peu à peu, la notoriété de Manolete se propageait à la suite des nombreux succès remportés dans toute la zone «occupée» où se déroulaient, toute proportion gardée, plus de festivals, novilladas et corridas – de bienfaisance - que dans la zone républicaine. Ses qualités d’estoqueador étaient pour la plupart soulignées ainsi que son stoïcisme face aux cornes des toros-novillos et, dès lors, on lui prédisait un grand avenir. Manolete se présentait à la Maestranza de Séville le 26 mai 1938 et répétait la semaine suivante, le 5 juin, jour du début avec picadors de Pepe Luis Vázquez, en qui on voyait le principal rival du cordouan. Quatre fois, Manolete figurait à l’affiche de Séville en 1938 et il terminait sa temporada à Cordoue, devant ses concitoyens et partisans, le 12 octobre en remportant un grand triomphe et coupant deux oreilles et la queue d’un novillo de Villamarta qu’il avait dédié à Rafael González Madrid « Machaquito » le IIIème « Califa ». Ce jour-là, des trains spéciaux avaient été affrétés depuis Séville pour soutenir Pepe Luis Vázquez qui alternait avec Manolete…

La guerre civile allait à sa fin et le 1er avril 1939, le communiqué du général Franco, depuis Burgos, annonçait que « les troupes nationales avaient atteint leurs objectifs militaires… ». La guerre était finie mais l’activité taurine n’avait pas cessé en ce début de 1939. Manolete toréait 11 novilladas, la dernière au Puerto de Santa María le 25 juin avant de prendre l’alternative à Séville le 2 juillet des mains de Manuel Jiménez « Chicuelo » avec pour témoin Rafael Vega de los Reyes «Gitanillo de Triana» pour des toros de Clemente Tassara (origine Parladé). Le toro de la cérémonie répondait au  nom d’emprunt «Mirador» (en réalité il s’appelait «Comunista» !!!) et repartait à l’arrastre sans les deux oreilles coupées après une belle faena de Manolete, par naturelles serrées et magnifique volapié. Le chemin était tracé pour une intense, brillante, mais trop courte carrière de matador de toros pour Rafael Rodríguez Sánchez « Manolete » jusqu’à la fin tragique de Linares.

Georges Marcillac

Sources :

  •  "Manolete, biografía de un sinvivir" de Fernando González Viñas.
  • "Dossier Manolete" de Marc Roumengou.
  • Articles de 6TOROS6 – Centenario de Manolete
  • “Asi fue…” de Rafael Sánchez “El Pipo”

 

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Une réponse à L'ANNÉE MANOLETE (I)

  1. clarac dit :

    La guerre avait terminé, es decir había terminado pero, en francés diremos mejor la guerre était finie, si je peux me permettre ....
    C'est ainsi qu'on parle sur les tendidos de La Ventas !!!!
    Feliz hombre !!!!!!!
    Hihihihi
    un abrazo !
    JPC

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