Madrid 4 juin 2018 -28ème de Feria – Au royaume des aveugles… Octavio Chacón, seul contre tous.

Ce titre doit être compris pour ce que nous a montré cette corrida de Saltillo et un torero, Octavio Chacón, le tout au premier toro d’une corrida d’un autre temps, comme celles d’il y a plus d’un siècle, quand la sélection des toros de combat n’avait pas encore mis l’accent ni eu l’obligation de rechercher la bravoure pour une tauromachie moderne,  lorsque les matadors étaient plutôt des belluaires et non plus les toreros artistes contemporains. D’une mansada intégrale, ressortait un seul toro de nom «Asturdero» qui, en d’autres mains que celles d’Octavio Chacón, mains qui tenaient ferme cape et muleta, serait passé sans peine ni gloire sur le sable de Las Ventas. Au contraire, le président de service  primait «Asturdero» d’une vuelta al ruedo alors que son matador ne recevait pas le prix de l’oreille… Les concepts, connaissances tauromachiques et décisions des présidents de la première plaza du monde étant impénétrables. Venons-en au fait. Sortait du toril un toro marqué du nº 4 de 517 kg né en 12/2013, d’allure normale pour un animal de l’encaste Saltillo qui se freinait dans le capote d’Octavio Chacón qui le menait, toréé, tête «humiliée», vers le centre de la piste par des capotazos alternés à droite et à gauche, pour ensuite le placer à bonne distance pour trois piques, la plupart manquées par le picador de service…

            

La charge était vive et de bon rythme et la poussée continue (une chute fortuite). Dès la sortie de la deuxième pique on devinait que la corne gauche poserait par la suite quelques problèmes… Octavio Chacón réalisait un quite par delantales et demi-véronique pour fixer le toro. Le picador était copieusement sifflé. La faena débutait par des doblones long, le toro mobile. Les premières séries de la droite, liées avec parfois le défaut du toro qui sortait la tête en l’air pour revenir vivement dans la muleta. La meilleure de derechazos, un changement de main, passe de poitrine et pase de la firma. Le saltillo commençait à se réserver à douter lorsque Octavio Chacón, la muleta dans la main gauche recevait la charge du toro qui venait directement sur lui. CQFD. La fin de faena confirmait la fermeté du torero, par des passes de poitrine serrées au terme de la dernière série, celle-ci moins réussie. Des doblones sur la droite qui s’imposaient avant de porter une estocade tendida, trasera un peu desprendida. Le toro avait la force de se relever avant la puntilla. C’est à ce moment que le président sortait le mouchoir bleu, les mules emportaient le toro sous les applaudissements et on fêtait la vuelta du torero privé d’une oreille gagnée par sa torería, son sens de la lidia. Le président recevait les imprécations bruyantes des spectateurs

A partir de là, la corrida allait de mal en pis en une succession de toros qui exploraient les barrières, cherchaient la porte du toril, qui évitaient les capes ou «coupaient le voyage» mettant en danger et provoquant la panique des cuadrillas. Trop longue serait la description des fuites aussi bien des charges soudaines et mortifères des mansos, lorsque ceux-ci voulaient bien se mouvoir… Quand ils s’arrêtaient c’était pour mieux attendre et surprendre les banderilleros qui couraient poursuivis jusqu’aux barrières, sauvés par leurs compagnons comme Curro Robles, Pascual Mellinas ou Alberto Carrero dans des quites opportuns et providentiels.

Quant aux deux autres matadors, Esaü Fernández et Sebastián Ritter (de Colombie), ils devaient subir les affres des réactions subites de leurs toros successifs. Le premier avait affaire à un toro topón – le 2ème – qui ne passait pas une seule fois dans la muleta alors que le 5ème, passait seulement du côté gauche et de mauvaise manière. Décontenancé et prudent pour passer la corne droite à la mise à mort, il nous gratifiait d’une infinité de pinchazos bas, portés fuera de cacho. Le jeune Colombien, lui, au contraire, gardait une sérénité à toute épreuve malgré la charge traîtresse du 3ème dès la deuxième entrée dans la muleta, toro qui fuyait  et qu’il fallut poursuivre tout autour du ruedo pour le mettre à mort. Le 6ème, le plus traître de tous (sans doute ses cinq ans) attendait pour se lancer au dernier moment et poursuivait les banderilleros jusqu’au coup de barrière (comme un camarguais !!). De même, poursuivi, Sebastián Ritter, sans défense, perdait pied poussé par l’animal et coincé contre les planches, il sortait miraculeusement indemne de cette brutale situation. Pas une seule fois, non plus, le toro n’était passé dans la muleta. Le 4ème, le plus lourd du lot, 607 kg., ne permettait à Octavio Chacón que quelques doblones avant de foncer sur lui à chaque amorce de passe d’un côté ou de l’autre. Par ailleurs, le torero de Cadix remplissait avec attention son rôle de chef de lidia.

Certes, il faut bien reconnaître certains traits de «caste» chez les pensionnaires de Joaquín Moreno Silva, mais celle-ci était loin d’être bien employée au bénéfice de la mansedumbre «encastée»  avec en prime leur résistance après les nombreux assauts et combats aux chevaux et leur agressivité sauvage même dans leurs fuites. Malgré la diversité des poids, la présentation du lot des Saltillo était typique de leur encaste et sans reproche. Par ailleurs, il fallait déplorer l’attitude des picadors, maladroits ou bien mal intentionnés dans le non-respect des canons de la suerte de varas au contraire des toreros à pied à la tâche qui passèrent un bien mauvais après-midi.

Octavio Chacón : un avis et tour de piste ; saluts. Esaü Fernández : un avis et silence ; deux avis et sifflets. Sebastián Ritter : un avis et saluts ; saluts. 11.191 spectadeurs.

Georges Marcillac

Ce contenu a été publié dans Général, Georges Marcillac Escritos, Madrid. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.