Madrid – 07 octobre 2018 – Apothéose de Diego Urdiales Torero! Torero! Vaillance et torería à l’ancienne d’Octavio Chacón.

La dernière corrida de la Feria d’Automne de Madrid 2018 será sans nul doute rappelée et considérée historique car Diego Urdiales, le torero d’Arnedo (Rioja) non seulement parce qu’il est sorti en triomphe par la Puerta Grande de Las Ventas mais surtout parce qu’il a toréé comme peu savent ou peuvent le faire, interprète du toreo éternel avec toute la pureté de l’Arte de Cuchares, ce toreo qui émeut par sa simplicité, son indicible naturel. Deux toros magistralement tués après des faenas durant lesquelles les aficionados subjugués, debout de leurs sièges accompagnaient de leurs olés le rythme des passes, enivrés et émerveillés de tant de beauté. De toute manière les mots manquent pour décrire l’œuvre accomplie par Diego Urdiales aux toros de Fuente Ymbro nommés respectivement «Retama»  et « Hurón » de 518 et 589 kg de presque cinq ans d’âge. Au 1er, Diego servait une faena perturbée par le vent et composée de passes serrées, tirées une à une, de grande valeur exposant le physique, face à un toro qui rechignait à avancer mais qui en était forcé, de près. Les passes par le bas préparaient la mise à mort pour une estocade bien placée, le temps passait et malgré deux avis, l’oreille fortement demandée était concédée. Le 4ème était un toro hondo, volumineux.  Dès son entrée et comportement aux piques, il ne laissait  rien présager de ce qui allait suivre. Sans fixité ou attention au capote, il mettait bien la tête en chargeant mais sans codicia ni poussée au cheval. Brindis au public! La faena se déroulait où théoriquement le vent n’avait pas de prise, face au Tendido 4. Après quelque hésitation, Diego Urdiales se centrait pour une énorme série de naturelles. Le toro s’ «ouvrait» de telle sorte que l’enchaînement des passes en était favorisé. Un changement de main dans le dos et on passait des derechazos  aux naturelles sans discontinuité. Un molinete et passe de poitrine parachevaient une série de la droite, le tout très serré mais sans forcer le geste, avec naturel. Une dernière série, les pieds joints, pour des naturelles et un desplante un genou à terre. Le public rugissait de plaisir. L’estocade entière, parfaite, laissait le toro touché à mort  mais il tardait à tomber, luttant bravement, sur ses pattes, jusqu’à son dernier souffle. Le public scandait Torero! Torero! Les deux oreilles étaient attribuées et Diego était obligé à donner deux tours de pistes, deux vueltas, quasi uniques dans l’histoire de Las Ventas.

                      

Octavio Chacón, qui se présentait pour la troisième fois cette année à Las Ventas, n’était pas très heureux au sorteo car il touchait deux toros totalement contraires à l’espoir d’un succès. Deux toros mansos, parcourant en tous sens la piste, sortant sueltos du cheval – une pique du picador en réserve, une autre courte du titulaire – avec la tendance d’aller sur l’homme tant à la cape des peones tant à la muleta dès la deuxième passe. Son premier, se retournait rapidement et accrochait la taleguilla du torero sans avoir été au bout d’une passe de poitrine. La faena avait tout l’air d’un combat ou chaque passe de muleta était suivie d’un retour criminel esquivé par ce torero habitué à la lidia des toros difficiles, rappelant aux aficionados que cela aussi est de la tauromachie, sans fioritures mais avec des gestes de courage et technique pour venir à bout d’animaux d’une autre époque. Octavio Chacón subissait une nouvelle voltereta en esquissant une naturelle que le toro ne suivait pas. Une estocade entière. Une oreille primait cette faena valeureuse et hautement méritoire. Le 5ème encore plus manso que l’antérieur semait la panique après avoir brutalement et à l’improviste chargé la cavalerie et provoqué une chute monumentale. Octavio Chacón recevait un coup de sabot en allant au quite et ensuite était poursuivi, accroché, soulevé, une corne au niveau de la poitrine. Grande frayeur sans dommage heureusement et la faena se limitait à une série où le manso acceptait quelques passes de la droite bien dessinées avant de fuir et ne plus passer qu’à la sauvette, dans la querencia. Un pinchazo et une estocade entière valaient des applaudissements au torero tandis que les sifflets accompagnaient le toro à l’arrastre.

                      

David Mora passait une bien mauvaise après-midi car, on ne sait trop pourquoi, le public à dos, il ne pouvait pas s’exprimer devant un bon toro, le 3ème. Peut-être était-ce pour sa position devant le toro, souvent forcée, tirant des lignes avec la muleta (passes linéaires) sans vraiment s’adapter aux conditions favorables du toro? C’était sans doute pour tout cela… Le 6ème était un sobrero de El Tajo qui sortait à la place d’un fuente-ymbro qui se blessait à la suite d’un recorte. L’attitude du public persistait, exagérément, car n’étaient pas pris en compte la pression subie par David Mora après les succès de ses deux compagnons de cartel ni le souffle  du vent qui ne permettait pas la quiétude nécessaire devant ce dernier toro qui ne «disait» rien. Pendant ce temps, les spectateurs s’échappaient, envahis par le froid, estimant que rien ne pouvait se passer après la démonstration de Diego Urdiales.

Les toros de Fuente Ymbro, tous presque cinq ans, bien encornés mais de hechuras diverses pourraient donner satisfaction à leur éleveur car trois d’entr’eux offraient des possibilités de succès alors que deux mansos faisaient baisser la note. Le public enthousiaste avait demandé, sans pousser l’analyse, la vuelta du 4ème, justement refusée par la présidence.

Diego Urdiales: deux avis et une oreille; deux oreilles et sortie a hombros. Octavio Chacón : une oreille ; ovation et saluts. David Mora : bronca ?; silence. José Otero de la cuadrilla de David Mora saluait après une bonne paire de banderilles. Temps froid et venteux. > 17.000 spectateurs.

Georges Marcillac.

Photos de cultoro.com

Ce contenu a été publié dans Général, Georges Marcillac Escritos. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Madrid – 07 octobre 2018 – Apothéose de Diego Urdiales Torero! Torero! Vaillance et torería à l’ancienne d’Octavio Chacón.

  1. CASTELNAU dit :

    Bonjour, comme vous j’ai eu la chance d’assister à cette corrida et comme vous j’ai été transporté par le classicisme et la pureté du toréo d’URDIALES et dans un registre très different par la maestria et le courage d’ Octavio CHACÓN que nous avions présenti en juin face aux Saltillo. Pour répondre à vos interrogations sur la réaction du public au toreo de David MORA, il s’explique à mon avis par un manque d’engagement permanent, un toreo parallèle et profilé, sur les mauvais appuis, fuera de cacho, abusant du pico, donnant la sortie vers l’avant, bref l’antithèse de ce que nous a montré URDIALES. Comme en plus il a hérité de Laminado, toro de grande classe, le meilleur de l’envoi, le public ne lui a pas pardonné. Ce que je comprends tout à fait. En tout cas une corrida fondatrice pour URDIALES et CHACÓN, pour les deux hommes il y aura un avant et un après cette tarde exceptionnelle.
    Cordialement.

    • Georges Marcillac dit :

      Bonjour,
      Vous avez bien compris le sens de mon interrogation à laquelle j’ai répondu. Effectivement le 3ème fuente-ymbro a été un bon toro et face à lui David Mora n’a pas été à la hauteur avec les défauts signalés (faena alternant bons et mauvais moments) et revenant à un style qui fut près de l’enfoncer duquel il était sorti après son retour après sa terrible blessure de Madrid. Toutefois les réactions d’un secteur du public étaient valables mais exagérées compte tenu aussi des circonstances (le vent en particulier) mais me direz-vous, le vent était pour tous…
      Merci de votre intérêt et fidélité à toreo y arte.

Répondre à Georges Marcillac Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.