Madrid 11 mai 2022 – 4ème de Feria – “El Juli “ révolutionne Las Ventas avec une faena somptueuse au 5ème de La Quinta.

Cette corrida, premiere de “no-hay-billetes” de la Feria, restera dans les mémoires et sans doute dans celle de Julián López « El Juli » qui ne se pardonnera jamais d’avoir raté la mise à mort de « Gañafote » de La Quinta un toro de plus de cinq ans et demi, cárdeno sombre, après avoir donné une leçon magistrale de technique et de pundonor, ayant soulevé le public enthousiaste et admiratif comme il ne l’avait jamais fait tout au long de sa carrière et surtout passages à Las Ventas. Habituellement ses faenas étaient passées à la loupe, de l’œil inquisiteur,  a priori opposé au style et position de leader de l’escalafón taurin que El Juli détient depuis plusieurs années. La faena réalisée à « Gañafote » ne laissait entrevoir aucun exploit car ce toro était passé en sautant dans les capotazos de réception, avait subi sans peine ni gloire l’épreuve des piques, plutôt se défendant, n’attaquant le cheval que comme le ferait un toro mansurrón, qu’il était. Il sortait gazapón, la tête chercheuse. Démonstration était faite dès le début de faena, par un avertissement de la corne gauche. Aussitôt après, de la droite, El Juli  allongeait le bras et laissait traîner avec douceur la muleta devant le museau du toro qui suivait presque docilement ces passes anodines qui allaient déterminer toute la suite de la faena. Le public, déjà rendu à cette maîtrise, accompagnait des ¡olés!  les naturelles valeureuses et la passe de poitrine complète. Des derechazos et le public saluait debout ces passes qui en d’autres occasions eussent été passées sous silence. Sans se faire accrocher la muleta, El Juli toréait rapproché, gardant à sa merci un toro réduit, maîtrisé. La faena devait être courte, ce qu’elle fut, mais d’une intensité peu commune, vécue presque en extase, même par les opposants irréductibles du maestro. Á la fois le risque latent et la beauté du geste se mêlaient à chaque muletazo. Hélas, deux pinchazos et un autre hondo annulaient, par un coup du sort et mauvais coups d’épée, un triomphe que tous souhaitaient, certains le priaient au ciel, même…

       

Les larmes de dépit et les applaudissements de sa cuadrilla – fait unique – ne pouvaient consoler El Juli qui faisait une vuelta la plus chaleureuse jamais vue à Las Ventas. L’oreille coupée à son premier restera anecdotique bien qu’elle fut amplement méritée à un toro de La Quinta qui aurait accompli ses six ans en novembre prochain, cárdeno comme il se doit, bien dans le type Santa Coloma. Les véroniques de réception donnaient le ton à la fois de la qualité du toro et des intentions de El Juli, dominateur et… artiste. La lenteur des doblones, l’harmonie des passes suivantes témoignaient de la docilité du toro, de la facilité du torero, le tout suave, « templé » avec un détail sans doute voulu : toreo de profil, jambe contraire parfois défaussée, qui enlevaient aux passes, profondeur et dimension. L’estocade en « julipie » moins ostentoire que d’habitude, efficace, déterminait un pétition d’oreille unanime et premier triomphe de cette corrida tant attendue.

              

Elle était tellement attendue que le cartel réunissait aussi Morante de la Puebla et Pablo Aguado dont la présence face aux toros de La Quinta avait éveillé la curiosité des aficionados à l’annonce de la programmation de la Feria. Hormis les deux toros de El Juli, les quatre autres ne donnaient que peu d’options aux toreros sévillans : soit par des charges incomplètes – le  1er – et incertaines – le 4ème –  pour le citoyen de La Puebla del Río ; hors style ceux du lot de Pablo Aguado dont il parut se méfier, apparemment sans raison, qu’il toréait à distance, pico de la muleta en avant.  Il sera facile d’oublier la mauvaise prestation des deux artistes – bien peu inspirés aujourd’hui – sans leur tenir rigueur tant fut écrasante et mémorable la performance de Julián López « El Juli ».

Morante de la Puebla : silence ; sifflets. « El Juli » : une oreille ; un tour de piste triomphal. Pablo Aguado : silence aux deux. Iván García, de la cuadrilla de Pablo Aguado, invité à saluer aux banderilles au 3ème. Corrida à guichets fermés : 22.974 spectateurs.

Georges Marcillac

Photos  de cultoro.com

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