Madrid 15 septembre 2019 – Corrida concours entachée de la grave blessure de Javier Cortés.

C’est un goût amer que laissait cette corrida de ce dimanche de septembre marqué par différents évènements. Des pluies torrentielles et leurs dramatiques effets avaient  dévasté le sud-est de l’Espagne et elles menaçaient l’après-midi madrilène jusqu’à quelques heures de l’ouverture des portes de Las Ventas. Par ailleurs, la sélection espagnole de basket-ball venait juste de remporter le titre de Champions du Monde. Pour tout cela, seuls 6.659 spectateurs s’étaient déplacés pour assister à une corrida concours bien décevante avec comme point noir, le coup de corne que recevait Javier Cortés en effectuant une passe de poitrine à son premier opposant. Le côté droit du visage ensanglanté et le geste du torero emporté à l’infirmerie laissait présager la gravité de la blessure confirmée par le bulletin médical : contusion de la zone maxillaire droite avec possible lésion du globe oculaire. En conséquence, Fernando Robleño et Rubén Pinar devaient, chacun, combattre et mettre à mort trois toros.

Le premier toro, un cinqueño de La Quinta, de 633 kg  de magnifique présentation, de trapío, quasi cornivuelto de cornes, peu dans le style “Santa Coloma” pour son volume et armures, exhibait d’entrée une charge « templée ».  À la cape, Fernando Robleño le conduisait au-delà des lignes par des véroniques volontaires ciselées par un demi-véronique en remate.  Les belles charges, avec un départ à distance respectable pour deux rencontres avec le cheval étaient gâchées par le picador de service qui loupait la cible et rectifiait pour la première pique,  qui seulement enseignait la puya à la seconde. Il y eut une nouvelle charge depuis le centre du ruedo sans que soit pointée la pique. Ce toro de nom « Matorrito » se déplaçait à loisir durant le tercio de banderilles et poursuivait jusqu’aux barrières Juan Cantora ; à son tour César del Puerto clouait une bonne paire de banderilles. Au trot, le toro entrait dans la muleta et se retournait vivement à mi-hauteur. Ceci obligeait Robleño à « perdre » des pas pour se repositionner pour un nouveau cite et, de la sorte,  se répétaient les mêmes charges du toro et corrections du torero. Sur la corne gauche, il essayait d’allonger les passes dans une bonne série de naturelles mais, à la suivante, il subissait un avertissement sur un retour critique en dessinant la passe de poitrine. La faena se prolongeait, la mise en suerte pour l’estocade  se révélait difficile – le toro reculait – et la succession de pinchazos et descabellos aboutissaient à la sonnerie des trois avis ! Malgré cela des applaudissements saluaient la compétence de Fernando Robleño… pour sa faena.

L’exemplaire de Baltasar Ibán qui sortait en deuxième position portait une encornure disproportionnée devant un corps terciado en dépit de ses 536 kg affichés et ses cinq ans. Aussi bien dans la cape de Rubén Pinar que celle des subalternes, ce toro sortait de l’espace des capotazos qui lui étaient servis avant et après le tercio de varas. Là aussi après des charges longues vers le cheval en deux rencontres, léger le châtiment, le toro restait dans le peto sans pousser. Sa course était vive et continue aux banderilles et il conservait cette caractéristique dans la muleta. Sans trop « humilier », les charges étaient longues au-delà des passes de Rubén Pinar qui n’arrivait pas à tempérer ni dominer l’animal. Le torero de Tobarra (Albacete) en terminait avec un pinchazo et trois-quarts de lame. La dépouille de « Rabioso » (esp : rageur) était applaudie, le public ayant confondu la vivacité des charges avec la bravoure sans classe de ce toro.

A sa sortie du toril, le toro de l’élevage du Marqués de Albaserrada n’inspirait aucune confiance : il reniflait le sable dépourvue de l’herbe des pâturages andalous dont il provenait et s’arrêtait dans les premiers capotazos de Javier Cortés et de sa cuadrilla. Curieusement, sous les trois piques, toutes placées en arrière, ce toro poussait fort en mettant les reins, jusqu’aux tablas, à la limite d’une chute du cheval. Il grattait le sol, mais quand il chargeait, il le faisait par arreones ce qui compliquait la tâche des banderilleros. Les premiers muletazos confirmaient le peu d’envie de charger de « Golfo » (esp : paresseux ou fripouille !).  Au mépris de cette difficulté, Javier Cortés se plaçait quasiment de face, « citait » le toro, le faisait passer sur la corne droite et après un changement de main dans le dos, au cours de la passe de poitrine, il recevait le coup de corne  – la gauche – au visage, était repris au sol et emporté dramatiquement à l’infirmerie. Fernando Robleño achevait l’animal par une demi-estocade après pinchazo. Sifflets au toro à l’arrastre.

                      

Venait ensuite un toro, colorado anteado, de Pedraza de Yeltes qui, sans la blessure de Javier Cortés, aurait dû sortir en cinquième position et dont la lidia incombait maintenant à Rubén Pinar. Sa présentation était plus que correcte. La répétition d’une charge claire augurait un autre comportement que celui enregistré après les piques, mal placées comme d’habitude – un comble pour une corrida concours où un prix était destiné au picador qui remplirait le mieux son rôle – que le toro supportait sans trop pousser, le palo étant rapidement levé. Au sortir de cette « épreuve », ce beau toro « Bello G. »  de 578 kg donnait des deux cornes ce qui rendait les banderilleros précautionneux, ils plantaient les banderilles une par une ! La charge descompuesta de ce toro topón, les accrochages de la muleta, le nombre de passes droitières, aucune sur la gauche, représentaient une somme d’inconvénients assortis de l’inefficacité du torero. La conclusion de la faena ne pouvait être autre qu’une longue mise à mort par une estocade entière contraire et une infinité de descabellos.

Le cinquième, applaudi dès sa sortie du toril, de joli trapío et belle allure dans son déplacement, provenait de l’élevage portuguais de Murteira Grave. Fernando Robleño le recevait par de bonnes véroniques. Les trois rencontres avec le cheval, d’un long et bel élan, se soldaient par une décevante absence de combat contre le caparaçon. Le bon tranco de « Violín » de 569 kg, permettait à Jesús Romero de briller à la pose des banderilles comme il l’avait fait à la cape à la brega du premier. Tout changeait à la muleta, les charges étaient courtes et, de plus, il n’y avait pas répétition, le manque de combativité du toro rendait caduque celle de Fernando Robleño, encouragé par le public. Deux pinchazos pour terminer.

Le dernier, de Vadellán, n’avait pas les hechuras des toros de sa race et de surcroît sa faiblesse au sortir de la première pique (légère) et la costalada – chute de côté – suivie d’une génuflexion justifiaient le renvoi aux corrales du bien nommé « Mirasuelos » de 509 kg et plus de cinq ans, indigne d’une corrida concours. Il était remplacé par un sobrero de Rehuelga qui se révélait le plus « toréable » selon les caractéristiques de son encaste Santa-Coloma, charge douce, tête relevée en fins de passes, dont sût profiter Rubén Pinar, dans une dernière série de la droite, mieux réunie, après s’être rendu compte de la bonté de cet exemplaire. En réalité  cette faena  était protestée par les radicaux du Tendido 7 qui exigeaient un traitement – principalement aux piques – qui ne s’imposait pas puisque ce toro était règlementairement hors concours. Rubén Pinar se jetait pour une estocade entière au deuxième essai.

Fernando Robleño : trois avis et ovation ! ; silence en remplacement de Javier Cortés ; saluts. Rubén Pinar : un avis et silence ; silence ; division d’opinion. Javier Cortés tombait gravement blessé au visage. Étaient déclarés vainqueurs du concours : « Matorrito » de La Quinta, le picador Victoriano García « El Legionario » ?? et Jesús Romero meilleur lidiador, tous deux de la cuadrilla de Fernando Robleño.

Georges Marcillac

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2 réponses à Madrid 15 septembre 2019 – Corrida concours entachée de la grave blessure de Javier Cortés.

  1. martino dit :

    Legionario ? vu comme il a reçu la premiere charge au toro de La Quinta c’est tres etonnant

    • Georges Marcillac dit :

      Att: Michel Martino
      Le point d’interrogation ne vous a pas échappé traduisant mon étonnement puisque dans ma chronique j’indiquais que pour la première pique « le picador manquait sa cible et rectifiait » et qu' »il enseignait la puya » pour la deuxième.
      Cette décisión d’accorder un prix au « légionaire » me semble donc tout à fait imméritée. Les autres picadors avaient oublié qu’ils étaient dans une corrida concours et qu’en plus il concourraient pour un prix…
      Merci d’être fidèle à toreoyarte
      Cordialement.
      Georges Marcillac

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