Madrid 24 Mai 2017. Fiasco et triomphe de la corrida moderne dans le Temple de la Tauromachie.

Le paseillo se termine par une série de banderoles présentées par le tendido 7 pour rappeler l’importance du toro, leur aversion au triomphalisme et leur désir de voir la empresa leur redonner le toro de Madrid qui a disparu de ces arènes depuis l’arrivée de la nouvelle direction. Ce n’est pas la course de ce jour qui les rassurera. Un lot de Nuñez del Cuvillo digne d’une arène de seconde, voir de troisième catégorie, aux forces trop justes pour créer de véritables émotions sauf à ne pas les piquer comme ce fut le cas avec le second de Alejandro Talavante. Ce toro épargné au cheval, dont le sang de la pique n’a jamais coulé jusqu’au sabot, s’est déplacé pendant une faena au rythme décousu dans laquelle on doit reconnaitre à Talavante d’avoir soutenu les charges avec fermeté et lié des muletazos dans des séries toutes incomplètes. L’oreille coupée par lui est celle d’un triomphalisme inquiétant dans ces arènes. Certes le public n’a pas badé tout ce qui se passait cet après-midi mais il a gobé le torito non piqué et la faena irrégulière ainsi que l’épée défectueuse.

Juan Bautista ouvre les hostilités avec un Nuñez del Cuvillo de 589 Kg à l’allure bovine et anovillado. Les véroniques sont templées en gagnant du terrain mais peu expressives artistiquement alors que la demie l’est. Le Cuvillo garde la tête haute au cheval sans trop pousser. Chicuelinas ajustées et mains basses de A. Talavante. Le toro galope mais sautille au passage de du leurre. Le matador tire des lignes avec des muletazos accélérés sans transmission. Au moment de s’assoir sur les reins dans des derechazos, il est désarmé. Les naturelles qui suivent retombent dans l’ennui. Le néant avec le public en apnée. Silence.

Le second de Juan Bautista n’humilie pas., ni dans la cape, ni au cheval. Crinolinas en guise de quite du matador. Le bicho termine le simulacre de la seconde pique en rampant sur les rotules. Alejandro Talavante et Juan Bautista se répondent en quites insignifiants pendant que l’animal vacille et que le T7 fulmine. Le bicho continue de flancher pendant le second tiers. Le reste des tendidos est léthargique alors que le T7 crie « Toro !! Toro !! ». Les muletazos ne transmettent rien. Un murmure significatif de l’ennui se fait entendre sur les tendidos pendant que Juan Bautista fait se déplacer l’invalide. La soseria est totale alors que le maestro juge utile de citer pour un recibir bajo. Sifflets au toro et salut dans la division du matador.

Le second Cuvillo déclenche l’ire du T7 tellement il est dénué de trapío. Le bicho pousse sous une pique et un picotazo. Chicuelinas avec remate par larga et poursuite jusqu’aux tablas pour Andrés Roca Rey. Le torito est rebrincado au second tiers. Alejandro Talavante profite des charges vives du Cuvillo pour enflammer les tendidos par derechazos au tercio. L’animal tire un derrote dans la muleta en fin de passes. Les naturelles sont accrochées. Le retour à droite transmet au public malgré des gestes accélérés. Au fur et à mesure Talavante prend la mesure de l’opposant et fait un numéro d’aguante au centre du ruedo en passant le bichito dans tous les sens autour de lui. Pinchazo et entière d’effet rapide. Palmas au toro. Palmas et salut.

Le quatrième dédaigne la cape de Talavante. Il trébuche avant la première pique sous laquelle il sort promptement pour se raviser, revenir et pousser avec force mais sans le fer. Le reste est un simulacre pour laisser le toro cru. Tafalleras, saltilleras, medio farol, gaonera, revolera de Andrés Roca Rey dans l’indifférence. Talavante débute son trasteo par naturelles que le galop du bicho met en valeur. Il répond promptement à tous les cites de près et de loin. En confiance Talavante se laisse surprendre et vole. En réalité les muletazos essentiellement gauchers ne se sont jamais imposés au Cuvillo qui dicte son rythme. Talavante a fait preuve d’aguante pour lier. Estocade a recibir perpendiculaire et de coté. Longue pétition et oreille. Le matador se retire à l’infirmerie.

Le premier de Andrés Roca Rey ne lui permet de lier que deux capotazos à la fois. Le picador fait une démonstration de simulacre de pique sans mettre les cordes. Malgré cela le bicho montre les limites de ses forces que Juan Bautista soigne dans un quite sans obliger. Le Cuvillo galope en début de faena et passe dans les estatuarios et remates par le bas de Roca Rey. La charges à droite est basse et longue, les muletazos sont mécaniques. À gauche le Cuvillo sautille et donne de la corne. Les naturelles sont accrochées et sans relief. Alors que les forces du toro disparaissent, ARR tente un arrimón qui divise le public. Les manoletinas sont applaudies comme au théâtre. Bajonazo. Silence.

Dans une ambiance bavarde après l’oreille de Talavante sort un sixième Cuvillo que ARR a du mal à intéresser avec sa cape. Sa faiblesse lui fait aussi faire des écarts et se retourner large. Le bicho s’emploie sous une pique et évite la seconde. Quite mécanique par chicuelinas du Français. Le Péruvien réplique au centre du ruedo par tafalleras, gaoneras le tout en mouvement. Brindis au public. Le sempiternel cambio por la espalda débute la faena et le toro se blesse dans ces premiers muletazos. Il est incapable de poursuivre le combat. Entière desprendida.

Ceux qui vous diront que s’est lidié une bonne corrida de Cuvillo sont les fossoyeurs de la tauromachie. Nous n’avons jamais été aussi proches de la corrida sans pique et bientôt sans mise à mort. Dans ces circonstances la blessure de Talavante parait anachronique.

René Philippe Arneodau.

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