Séville 26 Avril 2023 – 10ème de Feria – Morante coupe une queue et sort par la Porte du Prince.

Morante de la Puebla, dont je suis un inconditionnel, a coupé la queue de son second adversaire, après un combat complet dans son ensemble, tant à la cape qu’à la muleta, terminant par une épée efficace.  Les plus intransigeants, dont je suis également, trouveront des arguments pour justifier que la faena était de deux oreilles et que la vuelta al ruedo au toro était excessive.  Depuis le début de la feria le public sévillan est généreux, après avoir néanmoins totalement ignoré une faena du même torero, faena tout aussi ou plus encore réussie, il y a deux jours.  Tout s’est passé comme si Séville, consciente d’avoir manqué le rendez-vous avec son maestro avant hier, voulait lui rendre un hommage compensateur.  Il n’en reste pas moins que la prestation de Morante fut complète, unique, hors du temps, une oeuvre qu’aucun autre torero en activité n’est en mesure de produire.

Le lot de Domingo Hernández comme celui d’hier fut disparate de présentation, manquant de caste mais donnant pour certains un jeu sans relief. « Ligerito » nº 82 , noir de 515 kg. né en décembre 2018 étant plus un collaborateur qu’un adversaire méritant la vuelta al ruedo.

Face au premier de la soirée Morante de la Puebla dessine des véroniques dont lui seul a le secret, extrêmement serrées à gauche.  Le DH pousse par à coup, amoindri par une vuelta de campana.  Le quite par veroniques s’en trouve affecté, le toro avançant avec difficulté et trébuchant.  Morante débute par tanteo élégant allant a más. Les derechazos suivants, en série courte, sont liés dans un minimum de terrain. La suivante va a menos car le toro s’éteint.  Il refuse de passer à gauche ce que Morante résout par autre tanteo.  Estocade entière atravesada en prenant le large. Descabello. Silence.

Le second de Morante est accueilli par deux faroles inversés et plus tard par des véroniques lentes, poitrine en avant, totalement engagé dans les lancestoro et torero s’entremêlent.  La mise en suerte est identique en forme et qualité.  Le quite par tafalleras est énorme de lié, de proximité, de conduite et de profondeur.  Quite d’Urdiales de grande qualité en véroniques et surtout dans les deux demies, lentes et profondes. Nouveau quite de Morante par gaoneras, jambe et poitrine en avant, sans un millimètre de plus entre homme et cornes.  Au cheval, le toro a été piqué avec mesure.  Le début de faena a lieu dans un silence d’église, exécuté par ayudados por alto puis par le bas en portant sur la charge.  La première série droitière connait deux temps, le premier brouillon, le second lié et profond. Musique. Les naturelles, une par une, sont somptueuses ainsi que la passe de poitrine. La série droitière suivante est liée dans un minimum de terrain et culmine dans un cambio de mano.  Ce que la série à gauche suivante perd en unité, elle le gagne en détails « morantistes » . Morante exécute une passe inusitée par le haut dénommée pase del telón, qu’il répéte. Il s’agit d’un pase ayudado dans lequel la muleta est relevée à la verticale au passage du toro au lieu d’accompagner la charge. Suivent des naturelles de face al hilo, la dernière jambe de sortie avancée vers le toro, liées avec le pase de pecho.  Entière légèrement tendida. Deux oreilles et la queue répondant à la pétition. Vuelta al ruedo pour « Ligerito ».

          

Diego Urdiales voit un premier adversaire haut et fin,  zancudo, sauter pattes en avant dans la cape du matador.  L’animal a une tendance à la querencia en terrains de soleil.  Le bicho s’emploie sous la première pique.  Au second passage, il donne de la tête.  Toro abanto au second tiers, il charge avec force vers les barrières. Le tanteo du matador est léger.  Dans les premiers derechazos le toro se distrait et répète sans entrega à sa guise.  Dans la suivante, Urdiales tient son terrain et impose quelques derechazos profonds.  Il lui est difficile de se confier tant l’animal est distrait.  Sur la gauche, le DH a une charge profonde mais refuse en substance le combat. Il redevient abanto après le premier pinchazo.  Entière basse et atravesada.  Avis.  Silence. Sifflets au toro.

Le cinquième refuse d’attaquer un long moment.  Il finit par accepter les véroniques d’Urdiales, douces et faciles, peu engagées.  Il combat avec verve au cheval après avoir fait un écart de mauvais aloi à son matador. La seconde pique est courte.  Brindis au public.  Début par ayudados por bajo somptueux et dominateurs avec trincherilla énorme.  La série droitière n’est pas sans scories mais lance tout de même la musique.  À gauche, les naturelles se suivent sans relief ni continuité bien qu’esthétiques.  L’animal, bouche fermée, permet une série droitière supérieure car liée. On sent très subtilement que le toro a pris le dessus et que le matador se réfugie en mode bagarre à droite. L’animal gratte le sol et les naturelles vont substantiellement a menosTrincherillas et naturelles. Estoconazo contrario. Petition d’oreille. Palmas et salut.

Juan Ortega affronte un premier DH  dont la charge légère et vers l’extérieur lui permet de réaliser des véroniques a más dont la dernière et la demi-véronique de remate durent une éternité.  Le bicho est indolent au cheval. Quite par delantales a más et demi-véronique  À la seconde rencontre, le toro attaque avec plus de verve.  Quite de Morante par chicuelinas quelque peu accélérées et demi-véronique majestueuse.  Ortega répond par véroniques lentes et longues accompagnées de olés. Brindis à Curro Romero.  La faena démarre par tanteo par le haut.  La première serie droitière douce et rythmée déclenche la musique.  La charge a peu d’intensité.  Pour cette raison, la seconde série va a menos.  À gauche, le trasteo a perdu tout relief même si le public applaudit le pase de pecho enroulé.  Ortega insiste à droite dans le terrain des tablas avec peu de résultat.  Pinchazo et demi- lame trasera et desprendida.  Palmas et salut.

Le dernier de la course est lavado de cara tirant sur cariavacado. Le toreo de cape d’Ortega est de nouveau superbe, la dernière véronique de « cartel ».  Les chicuelinas de mise en suerte au cheval sont réalisées avec douceur et lenteur, mains basses.  Le passage au cheval anecdotique les deux fois.  La charge du DH est de qualité, reste à voir s’il va durer.  Le toreo droitier, genou en terre, est poursuivi debout avec détails et profondeur.  La muleta caresse la charge à gauche.  Bien placé, laissant le toro frôler ses chevilles, le matador exécute un travail propre qui manque d’intensité.  A ce stade, le DH avance au pas dans des muletazos sur les deux cornes. Ortega torée pour la forme avec élégance et sérieux.  Pinchazo et entière basse. Silence.

Le triomphe de Morante de la Puebla est retentissant.  Une foule d’aficionados de tous âges se lancent dans la piste pour l’accompagner jusqu’à son hôtel, dans un moment de frénésie et d’admiration, un Matador qui entre dans l’histoire, non seulement pour la corrida de ce jour, mais aussi pour tout son parcours en tauromachie.

René Arneodau

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