Madrid – 10 avril 2022 – Terrible frustration. Grave blessure d’Emilio de Juste à son 1er. Le sobresaliente Álvaro de la Calle se tire d’affaire avec mérite et dignité.

La gageure d’affronter en solitaire six toros et les triomphes successifs d’Emilio de Justo á Madrid, avaient attiré un grand public en ce dimanche des Rameaux. Une bonne température printanière, une belle affiche avec six toros d’élevages et encastes différents, tout était réuni pour une ambiance des grands jours. Comme cela arrive bien souvent dans le cas des encerronas le succès ou le fiasco sont au bout de l’entreprise. Cette fois-ci, ni l’un ni l’autre sinon, car la corrida débutait magnifiquement et prenait un tour tragique à la mise à mort du premier toro par une cogida et surtout une chute qui obligeait le valeureux matador à être conduit à  l’infirmerie. Quelques minutes après, était annoncé qu’Emilio de Justo ne pouvait pas reprendre le combat et les cinq toros qui restaient allaient être combattus par le premier sobresaliente, Álvaro de la Calle. Peu après, le blessé était transporté à la clinique de la Fraternité et tombait le diagnostic confirmant l’ampleur et gravité de la blessure: le TAC décèle une fracture des cervicales C1 et C2, sans déplacement appréciable ni affection de moelle épinière. Le patient est immobilisé. Très grave. Dr.Eduardo Hevia.

Les toros était donc de six élevages choisis pour la variété d’encastes et présentaient tous, avec un bémol pour le 5ème de Palha, de belles hechuras, trapío et armures. Tous étaient âgés de cinq ans.

Le premier de Pallarés (encaste Santa Coloma) était reçu par Emilio de Justo avec des véroniques en gagnant du terrain vers le centre de la piste, profitant d’une belle course, « templée » même, pourrait-on dire. Al relance, toujours d’une course longue et rapide, ce toro prenait une première pique de Felix Majada. La deuxième était ratée à la suite d’un élan prolongé du toro qui, de même, n’avait pas été mis en suerte. Le changement était demandé par le matador avec protestations du public, accepté car entre temps le toro avait effectué une vuelta de campana, sans être pour autant amoindri. Le deuxième tiers voyait les deux excellents José Chacón et Jesús Arruga saluer après la pose des banderilles alors qu’Andrés Revuelta brillait à la brega. Sans aucune passe de tanteo, Emilio prenait la muleta à la main gauche pour deux séries de naturelles, liées, vibrantes, le toro répondait prompt au cite, à bonne distance. Sur la droite en deux passes, ce toro se désintéressait de la muleta – défaut habituel des santacolomas – et la reprise à gauche confirmait la qualité du début de faena. Après quelques atermoiements et placement pour la mise à mort, Emilio de Justo de jetait sur le garrot du pallarés pour planter son épée presque à la verticale. Il était cueilli au vol et tombait malencontreusement la tête la première, repris au sol, le tout sans cornada mais une douleur évidente au cou. On connait la suite… De son côté le toro s’effondrait près des planches. L’oreille fortement demandée était accordée.

           

Tout le poids du reste de la course retombait sur Álvaro de la Calle, vétéran matador de Salamanque (né en 1974), réduit, ces derniers temps, au poste de sobresaliente dans les courses de mano a mano ou comme celle-ci d’un seul matador. Il était accompagné dans ce rôle par le français Jeremy Banti. L’inconnue et l’inquiétude était de savoir s’il allait pouvoir assumer la responsabilité de combattre les cinq toros restants, choisis par et pour un torero sur le point d’entrer dans la catégorie des figuras, lui-même n’ayant pas, sinon l’entraînement, la capacité physique et mentale d’affronter ces toros. C’est avec dignité qu’Álvaro de la Calle  se tirait d’affaire sans couper d’oreilles, montrant quelques lacunes bien compréhensibles, notamment à l’épée. Il passait près d’un succès retentissant avec le 4ème, un exemplaire de Victoriano del Río, un splendide toro, de robe peu habituelle- cárdeno salpicado – de cet élevage qui prenait trois piques après des charges allègres magnifiquement soutenues par Oscar Bernal et grandement fêté par le public. Le quite de Jérémy Banti par chicuelinas gracieuses et torées ajoutait au plaisir de voir comment ce toro se déplaçait, bravement, durant le deuxième tiers où une nouvelle fois brillaient José Chacón à la brega, Andrés Revuelta et Jesús Arruga aux banderilles. La qualité de charge « humiliée » de « 145-Duplicado »  mettait en confiance Álvaro de la Calle pour une faena qui allait a más, faena importante malgré quelques scories et terminée par une estocade horizontale et deux descabellos, ponctués d’un avis. Le mouchoir bleu du président ordonnait la vuelta al ruedo pour le bon victoriano-del-río. Au 2ème, sans doute par nervosité et pour trouver ses « marques », Álvaro de la Calle ne paraissait pas très à l’aise face au domingo-hernández, pas très régulier dans ses charges, grattant le sol, s’arrêtant, gêné aussi par le vent. Deux avis sonnaient lors d’une mise à mort laborieuse. Il n’y eut pratiquement pas de faena au 5ème, le moins harmonieux d’hechuras, des cornes, oui, de charge courte sans malice mais gênante sans « humilier » avec tendance à se « coller » des deux côtés.. Le 3ème, de Victorino Martín, était sifflé à l’arrastre ! C’était sans doute injuste car ce toro pourrait faire partie de ceux que beaucoup de toreros voudraient toucher mais il n’avait pas montré les caractéristiques typiques de cet encaste, il fut plutôt docile, il souffrait une chute de côté, fléchissait les antérieurs, il avait une charge plutôt molle… Le 6ème de Parladé, un joli exemplaire pur Domecq, montrait une bravoure qu’il fallait bien canaliser. Il chargeait fort, le cheval d’abord, ensuite la muleta d’Álvaro de la Calle, en terminant les passes par des génuflexions tellement il baissait la tête. Faena quelconque pour, à la fin trois entrées a matar.

Emilio de Justo : une oreille, blessure grave. Álvaro de la Calle : deux avis et silence ; un avis et silence ; un avis et tour de piste ; silence ; timide ovation. A l’honneur : la cuadrilla formée des picadors Felix Majada et Oscar Bernal et des banderilleros José ChacónAndrès Revuelta et Jesús Arruga. Vuelta al ruedo pour « Duplicado » sorti 4ème de Victoriano del Río. 20.139 spectateurs.

Georges Marcillac

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