Madrid 15 mai 2022 – 8ème de Feria. Corrida déconcertante. Une oreille pour Álvaro Lorenzo et Curro Dïaz. Grave cornada de Ginés Marín.

Les différences d’opinion du public et des aficionados sont habituelles et nécessaires sauf qu’aujourd’hui elles se sont manifestées bizarrement. Le remplacement d’Emilio de Justo par Álvaro Lorenzo avait suscité des commentaires peu favorables avant la corrida (oreille coupée lors de la première corrida de la San Isidro). Curro Díaz particulièrement chéri de l’afición madrilène, à juste titre, était le chef de lidia et Ginés Marín recevait l’ovation après le paseillo en souvenir de son succès le 12 octobre dernier à Las Ventas. L’octroi des trophées à Álvaro Lorenzo et à Curro Díaz était critiqué par une partie du public tandis que la majorité demandait l’oreille. En ce jour de célébration de la San Isidro, le saint patron de Madrid, la foule n’était sans doute pas aussi entendue que certains aficionados (puristes ?) et les estocades qui résultaient efficaces incitaient à demander les oreilles… Il semble qu’aussi bien à Séville qu’à Madrid, un nouveau public vient assister au spectacle de la corrida sans la préparation ou éducation nécessaires pour juger de la valeur des prestations des toreros et… des toros. Est-ce la conséquence de l’interruption des corridas due à la pandémie pour qu’un public nouveau et moins documenté aille aux arènes pour que le niveau d’assistance, d’observation et d’analyse ait baissé ? Cela demandera, en fin de saison, une étude de société plus approfondie. Les réminiscences économiques qui y sont associées, aussi.

Ginés Marín, recevait une cornada à la cuisse droite en dessinant une passe  de la droite. Le toro entrait dans muleta avec violence, descompuesto, et décochait un coup de corne pratiquement inaperçu pour les spectateurs d’ombre. Stoïque, sans un seul geste de douleur, Ginés Marín reprenait le combat, restant ferme face à des charges également irrégulières sur la corne gauche. Il tuait d’une demi-estocade, le toro allait s’écrouler le long des tablas… En effet, ce toro avait manifesté sa mansedumbre, de mauvaise « caste », dans des charges violentes autant que des fuites « sans-gêne » ; il n’avait pas poussé sous la pique… Malgré toutes ces difficultés évidentes, Ginés Marín avait fait front avec vaillance et pundonor. Le prix à payer face à ce toro était vraiment injuste.

Curro Díaz recevait par des véroniques dans le tercio, un toro bien armé qui le serrait de la corne gauche dans cette première séquence. Bien piqué à la première rencontre, bien dosée la seconde, ce toro se déplaçait lors du tercio des banderilles avec de bonnes paires posées par Oscar Castellanos et une frayeur pour « Lebrijano » qui perdait pied au sortir de la réunion, de sobaquillo. La faena  profitait de la course de « Majadero » par des passes des deux mains avant que les charges ne se réduisent. Avec la grâce qui le caractérise, lors des passes préliminaires de tanteo,  Curro Díaz débutait par une première série de la droite, le toro s’ouvrant, ensuite repris par des passes courtes en redondo. Sur la gauche, ce n’était plus pareil bien que sur la fin, baissant la muleta, une série de naturelles améliorait d’un degré la faena. Jolis remates. L’estocade, d’effet rapide, laissait froid le public qui ne se manifestait que par une ovation.

                           

Le 4ème, un toro de poids de 580 kg, sortait de la cape et dans un extraño brusque, il semblait s’être blessé d’un patte. La perte d’équilibre sous la pique confirmait sa faiblesse. Sans trop se déplacer, il animait un superbe tercio de banderilles où brillait « Lipi ». Dès les premiers muletazos de la faena, le manque de force et l’absence de bravoure de ce toro, obligeait Curro Díaz à abréger. L’épée tombait très bas… Il revenait à Curro Díaz de combattre le 6ème car Ginés Marín, blessé, était à l’infirmerie. La « machine-à-sous » du nom du toro « Tragaperras » arborait une armure presque semblable à un camarguais, donc assez laid, claudiquait dans la cape de Curro, était bien piqué et sortait gazapón mais changeait d’allure au deuxième tiers et Rafael Viotti plantait avec brio ses deux paires de banderilles. Intelligemment, Curro Díaz profitait de l‘inertie de longues charges du toro pour lier des passes plus courtes, d’un rythme saccadé. La muleta, dirigée par le bas, avait pour effet de calmer ce toro, de lui servir des derechazos « templés »  et la faena terminait beaucoup mieux qu’elle n’avait commencé. Avant de cadrer le bestiau, des passes et remates artistiques précédaient une estocade habile et efficace. La pétition d’oreille était écoutée alors que quelques sifflets fusaient…

Álvaro Lorenzo voyait son premier toro renvoyé aux corrales, protesté pour sa présentation limite,  terciado malgré ses 511 kg., qui effectuait une vuelta de campana durant le tercio de piques dont il sortait amoindri et confirmait sa faiblesse lors de la première paire de banderilles. Mouchoir vert. Le sobrero, un toro de José Vázquez de 590 kg, aurait eu six ans en juillet prochain. Il ne poussait pas sous la pique, refusait le cite et sortait suelto. Le changement de tercio, incongru, faisait que ce toro n’avait pas été piqué! Selon les conditions de ce toro, Álvaro Lorenzo toréait avec sobriété et calme, dans des passes « templées » sans aucune émotion, courtes, juste ce que permettait le toro, le Tolédan remplissant tout simplement sa fonction et sa place à l’affiche. Un pinchazo, une estocade desprendida et un descabello terminaient une faena sans bruit alors que certains demandaient plus…

                       

Le 5ème ne se livrait pas dans la cape d’Álvaro, pas plus que sous les piques, mais s’animait au deuxième tiers et c’était le tour d’Andrés Revuelta de briller. Alberto Zayas aussi. Le cite à muleta pliée, cartucho de pescado, sans que la passe qui suivait fut celle de Pepe Luis Vázquez, était pour un cambio dans le dos avec malheureusement un accrochage de l’étoffe et desarme. Les passes de droite qui suivaient, en courant la main et accompagnant de la ceinture, pouvaient être taxées par les puristes car la jambe contraire était défaussée, mais dans le mouvement… Une autre série de la droite, de la même veine, un changement pour terminer de la main gauche et passe de poitrine donnaient à ce début de faena une intensité absente jusques alors. Les séries de naturelles ne convainquaient pas car le toro s’arrêtait et Álvaro Lorenzo devait se repositionner pour engager les charges. L’impatience du public qui voulait plus de continuité dans ces séries allait, sans doute, être la raison des protestations pour la concession d’une oreille après une série de bernadinas et une estocade, un peu arrière, portée avec décision et facilité.

Curro Díaz : ovation et salut ; silence ; une oreille et division d’opinions ; Álvaro Lorenzo :un avis et silence ; une oreille et division d’opinions. Ginés Marín : saluts et passage à l’infirmerie où il était opéré d’une cornada à la jambe droite, 1/3 de la cuisse, deux trajectoires, une ascendante de 25 cm. avec contusion de l’artère fémorale, zone de l’aine, une autre transversale de 20 cm  qui présente un orifice de sortie de la face latérale de la cuisse. Tranfert à la Clinica de la Fraternidad. Magnifiques les cuadrillas avec mentions à José López « Lipi » et Oscar Castellanos  aux ordres de Curro Díaz ; les trois de la cuadrilla d’Älvaro Lorenzo : Andrés RevueltaCurro Javier et Alberto Zayas. ; Rafael Viotti et Antonio Manuel Punta de celle de Ginés Marín. 18.496 spectateurs.

Georges Marcillac

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