Séville et Madrid: les deux ferias à l’épreuve de l’afición

Après les atermoiements de Séville et le mystère de Madrid, les deux ferias des deux plus importantes capitales taurines d’Espagne et du monde sont sur le point de commencer avec les inconnues que nous laissent encore le temps de la pandémie et l’état de la tauromachie.

Les deux belles affiches annonçant ces deux évènements cachent en réalité tous les doutes qui ont envahi l’esprit des aficionados mais aussi, avec certitude, celui des deux empresas : Empresa Pagés et Plaza 1. La première avait programmé la Feria de Séville qui finalement ne pouvait se faire car la jauge à 50% de la Maestranza ne permettait pas d’équilibrer économiquement l’entreprise et elle devait se résoudre à recomposer les carteles pour la traditionnelle Feria de San Miguel. La deuxième, donc Plaza 1, ne pouvait organiser la non moins traditionnelle San Isidro car avec la même jauge et le nombre de corridas obligatoires auraient produit un gouffre financier dont aucune empresa aurait pu se relever. Le festival du 2 mai et la corrida de la Culture, organisées par la CAM (Comunidad Atónoma de Madrid) ne pouvaient masquer l’incertitude de monter une feria à Madrid sans de gros risques économiques. De plus, l’afición, en tout cas la plus revendicative, soutenait que la plaza de Madrid  – Plaza 1 – se devait de remplir le contrat d’une saison complète avec les corridas ou novilladas d’été systématiquement déficitaires ou démissioner!

                                              

Finalement Séville et Madrid auront leur feria « historique » avec respectivement 14  et 9 corridas à l’affiche.

Feront le paseo à la Maestranza les jeunes figuras sévillanes Juan Ortega et Pablo Aguado,  le Péruvien Andrés Roca Rey et José María Manzanares – 3 fois – ; Julián López « El Juli », Daniel Luque Luque, Miguel Ángel Perera et et Antonio Ferrera – 2 fois ; Diego Urdiales, « El Fandi » Emilio de Justo et Paco Ureña – 1 fois. Deux novilladas et une corrida de rejones sont aussi au programme. Que l’on se rassure, je n’ai point oublié José Antonio Morante « Morante de la Puebla » qui lui, sera l’axe principal de la feria, de la première corrida – 18 septembre –  à la dernière – 3 octobre –  clôturant le cycle devant un lot de toros de Miura !!, se mesurant en deux occasions fois aux vedettes montantes : Roca Rey, Pablo Aguado et Juan Ortega, les 24/09 et 01/12. Comme on le voit, cette feria se base sur les valeurs sûres du haut de l’escalafón. Sera-t-elle historique, rappelant les affiches d’autrefois où les figuras toréaient 2-3 ou 4 corridas dans une même feria ? Deux corridas – celles de Victorino Martín et de Miura – seront  le « contre-poids » aux autres dominées par les produits issus de l’encaste Domecq. Cette « San Miguel » est à n’en pas douter une feria bien sévillane, du goût des Sévillans où seul, un torero «nordiste» – Diego Urdiales –, s’est immiscé dans les rangs des toreros «sudistes».

En ce qui concerne Madrid, l’analyse des carteles de la Feria de Otoño ne suscite aucun enthousiasme et laisse penser à une prise de risque économique moindre au moment de dresser les combinaisons de toros et toreros. Elle se déroule sur trois week-ends – du 24 septembre au 12 octobre –  au lieu de deux les années précédentes. Elle donne l’illusion d’une grande feria mais on remarquera qu’aux neuf spectacles se mêlent deux novilladas, une corrida de espada único – Antonio Ferrera  – et, le comble : une novillada sans picadors ! Soit cinq corridas intégrales, dont deux d’origine Albaserrada : Victorino et Adolfo Martín, une d’origine Nuñez (Alcurrucén-El Cortijillo) que toréeront Morante de la Puebla, Alberto López Simón et Ginés Marín, le reste étant de bonnes corridas d’encaste Domecq. La encerrona d’Antonio Ferrera du 3 octobre est selon moi  un abus de pouvoir et un désir évident d’économie de la empresa (Simon Casas gère la carrière du torero) car elle prive la présence et la concurrence de deux autres matadors.   D’autre part, il est très incertain que Ferrera réédite son succès de Mont de Marsan face aux toros d’Adolfo Martín et à Madrid ! « El Juli » est le seul matador avec deux contrats. C’est à son honneur sachant qu’il affrontera comme souvent ce fut le cas, l’hostilité (injuste) que lui réserve une certaine catégorie du public madrilène. Viennent ensuite les toreros les plus en vue en cette saison taurine atypique tels Juan Ortega, Emilio de Justo, Daniel Luque et Diego Urdiales, un vétéran dont le style épuré ravit les aficionados de Las Ventas. Le 25 septembre, est annoncée, une novillada prometteuse pour des novillos de Fuente Ymbro et les trois jeunes Manuel Diosleguarde, Isaac Fonseca et Manuel Perera alors que celle du 1er octobre est banale et bon marché…

La possibilité qui est offerte d’acheter les entrées par paquets – « packs » – de trois spectacles pour chaque week-end révèle l’objectif évident de Plaza 1 d’optimiser les coûts entre les affiches supposées chères et les moins onéreuses (les novilladas). Il est de plus Flagrant et abusif d’inclure dans le troisième pack la novillada non piquée  « Final Camino hacía Las Ventas » habituellement matinale, d’entrées á prix réduits et hors abonnement.

En conclusion, la Feria de San Miguel de Séville et la Feria de Otoño de Madrid seront un test pour le futur de la Fiesta de los Toros, un test pour les empresas et aussi pour les professionnels touchés par la saison blanche de 2020 et celle qui se termine, fruit de multiples initiatives pour régénérer le secteur taurin et ramener le public aux arènes. Pour Empresa Pagés, l’intention est de réduire le nombre de corridas des prochaines temporadas et la question qui se pose est de savoir si l’option des affiches composées de figuras, sans les ouvrir ni à des toreros non moins méritoires des catégories inférieures ni à des élevages dits minoritaires, continuera d’attirer un public prêt à sacrifier son économie pour des spectacles élitistes. Pour Plaza 1, dont le contrat a été prorogé jusqu’à juin 2022, le défi sera d’apporter des éléments correcteurs pour la formation de la prochaine San Isidro et pour que le grand public reprenne ses habitudes et la direction de Las Ventas. En fonction des conditions économiques de l’afición, de l’ajustement des contrats des professionnels taurins, toreros, subalternes et éleveurs, de la disposition de la CAM à réviser les termes de l’appel d’offre pour la gérance de Las Ventas, l’avenir de la tauromachie reste en jeu pour 2022 et au-delà, après la pandémie de la Covid19 qui a sonné le glas pour la tauromachie et qui, nous l’espérons dès lors, aura disparu.

Georges Marcillac

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