Leganés (Madrid) – 7-8-9 mai 2021 – Feria de Printemps

La première corrida de la Feria de Printemps de la municipalité madrilène de Leganés présentait une affiche internationale puisque elle réunissait le novillero espagnol Francisco Montero, le Français Rafael Raucoule « El Rafi » et le Colombien Leandro Gutiérrez pour des novillos de La Quinta qui n’a pas fait honneur à sa réputation, elle a même déçu. Seul le 5ème brave et résistant,  est ressorti du lot alors que ses congénères montraient sinon des faiblesses physiques mais plutôt des manques de jus, se traînant sans entrega, distraits et inconstants dans leurs charges. De gabarits limités, surtout les quatre premiers, plus costaud mais pas très beau de hechuras le 5ème et de bon trapío le 6ème. Beaucoup de têtes connues et retrouvailles des aficionados après tant de mois sans toros à Madrid. Aussi on notera un public jeune parmi une assistance assez clairsemée dans « La Cubierta » de Léganés avec la coupole à moitié ouverte et bonne température.

Des novilleros, nous dirons que « El Rafi » sut profiter des meilleures conditions que présentait le 5ème qui poussait bien jusqu’aux barrières le cheval sous une pique unique trop prolongée.. La faena de muleta était bien conduite, avec style et assurance, sans l’étincelle qui soulève les olés, des passes bien dessinées des deux côtés mais tout était gâché à la mort par deux pinchazos et une estocade contraire. L’oreille était perdue et le tour de piste mérité. A son premier, après de belles véroniques et remate en demie applaudies avant une pique assortie de la carioca?, la faena débutait par des cites lointains pour profiter de l’inertie de la charge et ensuite lier les derechazos. La même tactique était employée sur la gauche mais l’effort était inutile car le novillo, distrait en fins de passes, ne permettait en dernier lieu que des demi-muletazos. L’estocade résultait très basse… Leandro Gutiérrez montrait de belles manières à la cape, avec cet infime détail du temple mais ses deux novillos empêchaient la continuité, le lié des passes avec toujours le même défaut, déficience génétique même, de sortir la tête en l’air en fins de passes… qui permettaient de splendides passes de poitrine…et pour cause. Faenas structurées, avec un cachet artistique qui méritaient mieux. Efficace à la mort, sans plus. Francisco Montero ne doit sa réputation qu’à son passé et fréquentation des capeas pour apprendre le métier. Reconnu en France pour son enthousiasme et vaillance désordonnée, il bénéficie d’un cartel qu’il aura quelques difficultés à justifier sans les succès espérés. Son toreo superficiel et peu dominateur le fut surtout face à des novillos qui se déplaçaient, sans caste, insipides, au pas. Les mises à mort furent laborieuses dans l’impossibilité de pouvoir ou savoir stopper, fixer le gazapeo incessant de ses novillos. Il écopait d’un avis à chacun après quelques pinchazos et estocades.

Francisco Montero : un avis et silence ; un avis et sifflets. «El Rafi». Saluts aux deux. «Leandro» Gutiérrez : silence et saluts. Bonnes paires de banderilles de «Morenito de Arles» invité à répondre à l’ovation au 5ème. De même David Adalid aux banderilles et Rafael González à la brega, tous deux de la cuadrilla de Leandro Gutiérrez.

Samedi 8 mai – Triomphe sans discussion de Ginés Marín bien préparé

Première corrida de toros de la feria avec une meilleure assistance que la veille. Corrida de El Parralejo pour la réapparition de Javier Cortés après sa grave blessure de septembre 2019, accompagné de deux diestros « Román » et Ginés Marín en constante évolution démontrée aujourd’hui après la saison 2020 perdue pour la pandémie et qui se sont parfaitement  entraînés durant cette interruption forcée. Les toros de El Parralejo ont permis que cette corrida soit un succès car les scories de bravoure qu’ils affichaient furent compensées par la volonté, le savoir-faire et la technique des trois matadors, succès complet pour Ginés Marín qui coupait trois oreilles. On regrettera que la mono-pique s’imposait dans cette arène (grande) de troisième catégorie.

Javier Cortés était accueilli par une très sincère ovation du public après le paseo. Il se plaçait face au toril pour une porta gayola suivie de véroniques presque en tablier pour tenir le toro un peu suelto. Réservé pendant le tercio de banderilles, cette attitude se confirmait durant la faena de muleta pendant laquelle le madrilène exécutait de bonnes passes devant un animal, arrêté, qui ne passait plus avant de recevoir une épée tombée. Au 4ème, Javier Cortés dessinait une série de chicuelinas pieds joints au centre du ruedo.  La faena se déroulait, irrégulière, au rythme des charges violentes du toro, de son « humiliation », des fléchissements des pattes avant, de ses arrêts, de son épuisement sur la fin. Dans ces conditions, serein et ferme, Javier Cortés  signait de bonnes naturelles et terminait par une estocade un tantinet tombée.

«Roman», de nom de famille Collado Guoinguenet pour ceux qui l’auraient oublié, aurait pu aussi sortir en triomphateur sans ses défaillances à l’épée. Varié à la cape, il effectuait un quite par saltilleras, une gaonera et remate par brionesa ! Avec la muleta, «Román» ne se limitait pas à dessiner des passes, il recherchait une continuité dans les séries par des toques ou bien il maintenait le leurre à la vue du toro pour l’empêcher de sortir de la passe. Une bonne série de la droite, liée et compacte. Les statuaires du début, les manoletinas étaient la démonstration d’une faena bien construite et surtout bien gérée. Au milieu de cette faena, perdant pied devant le toro, celui-ci reprenait « Román » au sol, cogida heureusement sans dommage. Le 5ème présentait les mêmes irrégularités de comportement que ses congénères, tardo, velléités de s’échapper des passes, arrêts, que «Román» résolvait avec fermeté et improvisation sur les passes circulaires et reprises en suerte natuelle de la droite. Des luquesinas sur la fin, des fioritures de bon aloi qui malheureusement se terminaient – mal – par une estocade dans les bas-fonds.

Durant ses deux prestations Ginés Marín déployait, une assurance, une variété dans son répertoire de passes, une détermination à la mise à mort qui laissent présager une ascension vers les sommets de la torería. Sans avoir fait véritablement piquer ses toros, il alternait à la cape chicuelinas et tafalleras à son premier et signait de bonnes véroniques au 6ème. L’entrée de faena, à genoux, par le haut et ensuite en redondo déclenchait une forte ovation. Les charges du toro – le 3ème –  l’avaient permis, mais sur la droite, après un cite lointain, il s’arrêtait en cours de série. Malgré cela, le temple et le placement, donnaient une qualité au trasteo bien au-dessus du manque de qualité – sauf la noblesse – du toro. Des bernadinas en «changeant le voyage» et une estocade contraire entière complétaient une faena variée et complète. Le 6ème, bien enveloppé de ses 499 kg. violent au début de la faena, tempérait ses charges dans des doblones « templés » et la série suivante de la droite terminée par une passe de poitrine énorme de 360˚. Une autre assortie d’une arrucina, un changement de main et une autre passe de poitrine sans corriger sa position. Il était temps de prendre l’épée mais Ginés s’évertuait à terminer par deux séries superflues auxquelles le toro ne répondait pratiquement plus. Une estocade entière atravesada et un descabello.

 

Javier Cortés : Saluts aux deux – forte ovation en quittant la plaza. « Román » : Saluts aux deux. Ginés Marín : deux oreilles ; une oreille. José Luis López « Lipi » de la cuadrilla de « Román » et Antonio Manuel Punta  et Raphael Viotti de celle de Ginés Marín saluaient après la pose des banderilles.

Dimanche 9 mai – Emilio de Justo (cogida et deux oreilles)  et Juan Ortega sauvent une corrida à la limite du scandale

«La Cubierta» de Leganés est une plaza de troisième catégorie ; soit. Est-ce une raison suffisante pour avoir amené et ensuite accepté un lot dont on ait pu suspecter l’intégrité des cornes des toros ?  De plus seuls deux d’entre eux se sauvèrent du naufrage, les restants impropres à une lidia dirigée par des toreros de renom qui avaient choisi des toros d’un élevage de «garantie» en l’occurrence de Nuñez del Cuvillo.  Ces toros avaient tous les cinq ans révolus, certes… comme il y en aura beaucoup d’autres cette année. Par ailleurs, l’éleveur ne manquera pas de se plaindre des difficultés que traverse le secteur de la ganadería de bravo. Pourquoi alors ne pas réserver, même pour une plaza comme Leganés, des toros présentables, de bonne reata? Ceux d’aujourd’hui étaient bon pour l’abattoir. A l’heure où le démarrage de la saison est quelque peu poussif, les caméras de télévision braquées sur l’évènement, l’image de cette feria prometteuse en est ternie.

Il convient de signaler qu’une fois de plus Emilio de Justo ait pu triompher et couper les  deux oreilles du 2ème, le seul qui ait tenu le coup jusqu’à la fin, le seul qu’il ait toréé car après deux cogidas il ne pouvait continuer et devait quitter l’arène pour l’hôpital. Ce toro «Espantoso » (esp : effrayant) ne l’était point mais d’hechuras convenables, les pointes des cornes en avant, recevait une quantité de véroniques telle qu’il s’arrètait avant même le remate de la demi-véronique habituelle. Malgré cela il restait longtemps sous le cheval après un contact brutal. Il sortait sans trop de fixité. La faena débutait sur des doblones en gagnant du terrain, sans doute une entrée en matière exagérée pour le châtiment infligé malgré la beauté des muletazos. Ensuite, après des passes rectilignes de la droite, Emilio de Justo se centrait et la faena se haussait d’un ton avec une série de naturelles et passe de poitrine jusqu’à l’épaule contraire sans corriger sa position. Ayant perdu pied devant le toro, il était pris au sol, à découvert, et recevait une belle «rouste» sans cornada mais un coup douloureux sur les reins… Il reprenait le combat face au toro qui continuait d’avancer «humilié» et répétant ses charges en recevant de bonnes naturelles de profil.  À la mise à mort, Emilio se jettait sur les cornes, il était accroché et de nouveau repris au sol. L’estocade verticale, desprendida, nécessitait un descabello. Un avis. Deux oreilles pour primer l’engagement du torero, ses bonnes manières et son efficacité à l’épée.

                                  

Juan Ortega était attendu. Il n’a pas déçu ses partisans mais il fallut l’attendre à son deuxième toro car le premier était d’une telle indigence physique et morale? qu’il valait mieux en finir au plus vite. Un pinchazo et trois quarts de lame tombée. A retenir un trincherazo primesautier au début de la faena qui n’eut pas lieu. Au 5ème, un bon toro, sans plus, on retrouvait le Juan Ortega «torerissime» qui, sans réaliser une grande faena, toréait avec suavité, naturel, se déplaçant à pas comptés devant le toro avec des passes délicates à mi-hauteur. Il terminait par des passes aidées par le haut, «templées» et des remates mesurés des deux mains avant de porter une demi-estocade verticale. L’oreille était fortement demandée et accordée.

Nous passerons sous silence la prestation d’Enrique Ponce, poursuivi par la malchance et n’intéressant plus le public au dernier en remplacement d’Emilio de Justo. Auparavant il n’avait pu aligner une seule passe au 1er assassiné à la pique (une paire de banderilles était malencontreusement enfoncée dans le trou de la pique d’au moins 20-30 cm !!), le 4ème était renvoyé aux corrales pour invalidité évidente et le sobrero, un jabonero sucio, affreusement encorné et de plus manso intégral, n’acceptait aucune passe. Le 6ème plus costaud que le poids affiché – 475 kg. – ne permettait qu’une faena discrète où les précautions d’Enrique Ponce – toréant très «décollé» – s’ajoutaient au manque de classe du toro qui, toutefois, s’animait à la fin en acceptant des passes en redondo, des molinetes qui n’impressionnaient plus personne. Une demi-estocade suffisait pour en finir avec cet exemplaire inconsistant.

Enrique Ponce : silence; sifflets (torero et toro); saluts. Emilio de Justo : un avis et deux oreilles ; passe à l’infirmerie. Juan Ortega : silence ; une oreille. Emilio de Justo était diagnostiqué de contusions lombaires et plus tard, à l’hôpital l’étude radiologique écartait la possible fracture de vertèbres L5-S1

Georges Marcillac

Photos de cultoro.com

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