2024 sera-t-elle l’année de la consécration de nouvelles valeurs?

Les fêtes de fin d’année passées, les dates et les affiches des premières férias ont pris forme, le monde taurin s’agite, les anti’s aussi… et les aficionados commencent à cocher sur leur agenda les périodes prévues de réservations ou, en tout cas, celles d’intentions de déplacements plus ou moins lointains et de commencer à rêver…

Dès février s’annonceront les cartels des futures grandes ferias, la San Isidro de Madrid, celle d’Avril de Séville, alors que Valdemorillo et Olivenza , les Fallas de Valence ont déjà leurs affiches prêtes à imprimer. Va-t-on vers la présence quasi immuable des figuras actuels – hormis “El Juli” qui a pris sa retraite ou Enrique Ponce qui devrait reprendre l’épée avant la retraite aussi – ou bien verrons-nous un bouleversement des combinaisons habituelles et un raffraichissement de génération? Et des ganaderías dont on dit qu’il n’y aura pas assez de toros en 2024, alors que les éleveurs les plus cotés garantissent un nombre de lots équivalent à celui de la temporada passée? Pour Valdemorillo et Olivenza, c’est la continuation assurée sauf pour les novilladas qui, par définition, doivent apporter le sang neuf à la Fiesta. La surprise et la déception sont l’absence des toreros “révélation” que sont Fernando Adrián, Borja Jiménez et du Français Clément Dubecq ”Clemente”. Pour ces trois-là, après leurs succès retentissants la saison dernière, ils n’apparaissent pas aux programmes des premières ferias. Néanmoins, ils devraient être “repêchés” en avril et mai pour les ferias de Séville, Madrid et Nîmes. Qui sont-ils et quels furent leurs mérites et motifs de leur “révélarion” ou renouveau?

Fernando Adrián est Madrilène, né à Torres de la Alameda en 1992. Elève de la Fondation El Juli, débutait en 2011 avec picadors et prenait l’alternative le 15 juin 2013 à Ávila et confirmait seulement le 19 mai 2022! Après une “traversée du désert” de quasi 10 ans, il était sélectionné pour la 1èreCopa Chenel créée par la Communauté de Madrid (CAM) et la Fundación del Toro de Lidia (FTL). Il en sortait vainqueur. En 2022, il toréait 9 corridas. A la dernière San Isidro, il figurait au cartel du 31 mai, face à un lot remarquable de Salvador Domecq. Il coupait une oreille au 2ème et au 5ème. Première Puerta Grande. Ce succès lui valait d’être automatiquement admis à la Corrida de Beneficiencia, le 17 juin, corrida des triomphateurs de la dernière San Isidro. Là, il récidivait en sortant par la Puerta Grande de Las Ventas ayant coupé deux oreilles au 6ème de Juan Pedro Domecq. Le nom de Fernando Adrián était sur toutes les lèvres. Il gagnait un nouvel apoderado, Maximino Pérez, (empresa MaxiToros), qui le faisait enfin toréer fin août à Cuenca oublié jusqu’àlors par les empresas…Résultat: trois oreilles! En septiembre  et octubre, il glânait des contrats – certains par substitution d’un compagnon blessé –  et prenait part à douze corridas, sortait a hombros à chacune d’elles!. Soit au total quinze sorties en triomphe: un record difficile d’égaler! Avec un tel palmarès, Fernando Adrián, torero valeureux, classique, se présente en véritable révulsif pour la fiesta et dispos à affronter de nouveaux et exitants défis et conforter les espoirs mis en lui.

                                   

Borja Jiménez, natif d’Espartinas (Séville), né aussi en 1992, faisait ses débuts comme élève de l’Ecole Taurine dirigée par Antonio Ruiz, père des matadors ”Espartaco” et “Espartaco Chico”,  tous d’Espartina.  Son frère aîné, Javier, est aussi matador de toros. Borja est le torero qui a marqué la temporada 2023 en raison de ses trois tardes à Las Ventas. La première, le jour de Pâques pour sa confirmation d’alternative, la deuxième le 16 juillet devant de bons toros de Robert Margé et enfin, le 8 octobre en point d’orgue de sa saison, en coupant trois oreilles à trois toros de Victorino Martín (un en remplacement de “Román”, blessé). A chacune de ses prestations Borja Jiménez déployait vaillance et maîtrise, assorties de la grâce sévillane.  Face aux victorinos, toutes ces qualités éclataient et donnaient encore plus d’importance à l’évènement. Pourtant tout n’avait pas été facile après son alternative du 5 avril 2015 à Séville parrainé par Antonio Ruiz “Espartaco”, huit ans avant de confirmer à Madrid! Ses campagnes de novillero avec picadors de 2012 – début à México – jusqu’à l’aternative de Séville furent brillantes. De grands succés marquaient sa temporada 2014 comme à Arles, Séville et Puerta del Príncipe avec trois oreilles de novillos de Fuente Ymbro, Pampelune, Puerto de Santa María, soit plus de 30 novilladas en 2014. Après l’alternative, les années sombres se succèdaient, sans contrats sauf les apparitions obligatoires à la Real Maestranza de Séville et les escapades taurines aux Amériques. Comme beaucoup de toreros “indépendants” oubliés des empresas, il était sélectionné pour la Copa Chenel 2023. Il atteignait la finale mais il était injustement éliminé pour la grande finale à deux à la suite d’une erreur de la présidence… À son crédit, selement 15 corridas mais 20 oreilles coupés.  Julián Guerra est son apoderado actuel. Cette récente association s’est révélée bénéfique et pleine de promesses pour la suite de la carrière de Borja Jiménez. Nous en souhaitons l’augure.

                                    

Clément Dubecq “Clemente”, Bordelais, né le 27 février 1995, “exilé”? à Nîmes, faisait ses premières armes en novillada piquée à Captieux le 2 juin 2013 où il coupait trois oreilles à des novillos de Vicente Ruiz. Il toréait une vingtaine de novilladas en 2014 et se présentait à Madrid le 1er mai 2015, dignement mais mal servi par ses novillos.   Il prenait l’alternative dans les arènes de Zamora (Castilla-León) que régissait son apoderado Carlos Zúñiga devant des toros de Sánchez-Arjona, coupait deux oreilles et sortait a hombros (il est le 60ème matador français). Après cela, le passage à la catégorie supérieure de matador de toros, s’avérait difficile, peut-être par manque de soutien et surtout de notoriété en Espagne, donc de contrats.  Sa carrière déclinait jusqu’a voir son nom apparaître dans l’escalafón des matadors en 2022! pour cinq corridas et 10 oreilles, deux coupées à des toros de Victorino Martín aux Saintes-Maries-de-la-Mer, trois à Istres devant des toros de Valverde, juste après un début prometteur dans le Sud-Ouest à Gamarde et Saint-Sever. Pour notre compatriote, ces succès permettaient d’envisager une saison 2023 plus dense et complète. Ce qui fut fait. Le sommet en était, la corrida du 22 juillet à Mont-de-Marsan et son éblouissante faena à “Bodeguero”, toro de La Quinta, bien armé mais pas très consistant. Dans ma chronique, je m’extasiait en affirmant que cette faena, réalisée à Madrid, aurait fait la une de toutes les informations et chroniques taurines.  Le temple, la grâce et le dominio s’imposaient au toro et émerveillaient le public qui scandait Torero! Torero! Malheureusement, la cogida et la blessure à la mise à mort, l’avis qui sonnait, réduisaient le triomphe à une oreille… Bilan de la saison: douze corridas, la moitié en places françaises de première catégorie où il coupait six oreilles. Le retentissement de sa saison en France, sa maturité, son toreo sûr et élégant, devraient permettre à “Clemente” de confirmer l’alternative à Madrid et d’entrer, enfin, dans le circuit des ferias en Espagne.

                                         

A ces trois toreros, on pourrait ajouter une longue liste de ceux laissés pour compte. La raison principale est le manque de continuité de succès marquants au vu du plus grand nombre dans des places importantes et lors de grandes ferias.  A l’inverse, la somme de ces facteurs relève d’une prouesse et un grand degré de chance malheureusement très incertains. Tout d’abord les impondérables liés à la magie et incertitude de la Fiesta:  les toros, la climatologie, l’humeur et forme physique du torero le jour J, le public… Ensuite, et cela paraît plus grave si l’on accepte avec résignation ce qui précède, c’est le système dans lequel se meut la corrida. On le sait, existent les empresas qui a leur tour gèrent plusieurs plazas de toros et dirigent la carrière – apoderamiento – de toreros, quand elles ne sont pas aussi directement ou indirectement liés à l’élevage de toros braves… Entre elles se produisent des échanges, tractations et connivences qui conduisent à l’absence de renouvellement des affiches d’où la difficulté d’incorporer des toreros émergents ou indépendants et des élevages dits “minoritaires”. L’inverse permettraient de mettre tout le monde à sa place ou de rentrer dans le rang.., Espèrons que tel ne sera pas le sort de “nos” trois toreros “révélation” auxquels nous souhaitons mucha suerte.

Georges Marcillac

Photos Plaza 1(Madrid) et André ViarD (MdM)

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