Madrid 2 juin 2022 – 26ème de Feria – Juan Leal fait trembler Las Ventas et coupe une oreille Rafael González blessé le jour de son alternative.

On approche de la fin de la San Isidro 2022 et cette semaine nous réserve des surprises, bonnes pour la plupart mais surtout celle d’aujourd’hui qui a fait découvrir un autre toreo quasiment oublié et même réprouvé par certains. Il s’agit du tremendismo. Notre compatriote Juan Leal est l’interprète de cette forme de toréer, qui angoisse le public par l’impression de la cogida imminente, qui révolte le public puriste, qui somme toute offre un spectacle dont furent acteurs un bon nombre de toreros d’une autre époque.  Ce fut le cas de Manuel Benítez « El Cordobés » à ses débuts, Manuel Jiménez « Chicuelo II », Antonio José Galán et, en leur temps les imitateurs de « El Cordobés » qui ne firent pas carrière. Certains associent le tremendismo à une simulation du danger couru, d’autres à une clownerie, en réalité à la négation du toreo classique, orthodoxe. Si Juan Leal peut être qualifié de tremendista, c’est vrai dans la mesure où il crée cette peur – qu’il semble ignorer, lui-même – qui envahi le public face au danger auquel s’expose le torero à la pointe des cornes d’un toro menaçant : C’est faux lorsque on discerne dans le toreo « rapproché » de notre compatriote des gestes et surtout l’exécution des passes d’une parfaite conception technique sinon esthétique. Juan Leal figurait au cartel d’une corrida de Fuente Ymbro en compagnie du Péruvien Joaquín Galdós et de Rafael Gonzalez qui recevait l’alternative.

Les toros de Fuente Ymbro offraient une autre image que celle d’il y a une semaine bien qu’il ne faille pas trop exagérer. La présentation était meilleure avec des exemplaires de belles hechuras – 2ème et 5ème – et du trapío – 4éme – et tous des armures respectables, veleto, cornivuelto le 2ème, tous de plus de cinq ans, les 4ème et 6ème auraient eu six ans le mois prochain ! Quant au « moral » et au physique, ils ont obtenu tout juste un accessit.

Rafael González de Madrid (écoles taurines de Madrid et Tolède) recevait l’aternative après une carrière de novillero interrompue par la pandemie Covid 19. Il recevait un toro bien armé, terciado de physique qu’il devait sortir des tablas jusqu’au-delà des lignes par des véroniques. Ce toro ne poussait pas sous la pique. Après un quite par gaoneras de Juan Leal le tercio de banderilles se déroulait sans histoire. Après la cérémonie des échanges de trastos et court discours du chef de lidia au toricantano, débutait la faena de muleta. Rafael González, par doblones et ensuite par derechazos traçait des passes de bonne qualité, le toro répétait ses charges mais avait tendance à un léger cabeceo en fins de passes. Une série de la droite était magnifiquement terminée par un changement de main et un tour quasiment complet du toro sur la gauche. On notait une baisse de régime pour les naturelles suivantes. De retour sur la droite, le toro s’arrêtait, le jeune matador soutenait cet arrêt à moitié passe,  accrochage évité. Pour terminer des bernadinas avec un avertissement du toro qui frôlait le côté de Rafael González jusqu’à l’instant d’après où il était encorné sur le côté gauche. Il s’écroulait à deux reprises ne pouvant plus se tenir debout et il était emporté à l’infirmerie. Juan Leal portait une estocade trasera, desprendida.

Juan Leal allait devoir combattre trois toros en tant que chef de lidia. De ses trois c’est avec le 2ème qu’il exprimait ce qui devait être par la suite sa constante position au plus près des cornes, position dans laquelle il semble à l’aise mais qui sème l’effroi dans le public car la cogida semble imminente. Mais Juan Leal ne se limite pas à « être dans les cornes », dans la majorité des cas il fait passer le toro, la muleta basse pour l’obliger à condition que le toro accepte cette manœuvre. Avec des cornes à mi-hauteur cela n’aurait pas de sens. Juan Leal sait toréer dans le sens d’appliquer les canons de l’exécution d’une bonne passe. Par ailleurs, au terme des faenas, dans une position rapprochée, il fait preuve d’un courage à toute épreuve et, parfois, sa témérité va au-delà de l’entendement et de la nécessité absolue de forcer le succès. Mais sa volonté de terminer par un arrimón l’empêche de recevoir la considération qu’il mérite surtout de la part des puristes comme ce fut le cas d’un secteur du public de Las Ventas dont on ne sait plus ce qu’il souhaite. Le  premier toro de Juan Leal allait allègrement au cheval sans recevoir un châtiment excessif, donnait des cornes des deux côtés dans la cape et ensuite dans la muleta. C’est à genoux, au centre du ruedo que Juan « citait » le toro pour des passes en redondo et debout la passe de poitrine. La charge du fuente-ymbro était courte et  il se retournait par le bas. Juan se croisait et les cornes menaçantes ajoutaient de l’importance à cette position pour enfin dessiner, entre autre une superbe naturelle « templée ». Entre les cornes, il réalisait toute une série de passes pour enfin porter une estocade trasera, mais efficace selon son style particulier (petit saut en ciseaux au-dessus de la corne droite…). Oreille. Le 4ème, un toro de grand trapío, cherchait les tablas même entre les capotazos à la véronique que lui servait Juan Leal d’entrée. Son combat au cheval n’était pas celui d’un toro brave… Il sortait des piques andarín, au pas et grattait le sol, toujours un regard porté vers les barrières. La faena confirmait cette attitude, ce toro ne s’employait pas, se réservait et s’arrêtait. Juan  acceptait cette situation, baissait la muleta et réussissait des passes de la droite, courtes et toujours près des cornes. De même de la gauche. L’émotion était à son comble… Dans un desplante, survenait la voltereta. Un pinchazo hondo. Un avis. Avec le 6ème, se reproduisait à peu près le même scenario sinon que l’on devinait l’intention d’élever d’un cran le niveau et l’audace de la faena qui commençait avec le classique péndulo doublé avec la passe de poitrine et pase del desprecio en remate. Aux passages dans la muleta, aussi bien à droite qu’à gauche, s’ajoutait un coup de tête final de passes courtes. Un pase circular inversé impossible et non terminé, au bord de la cogida, était le signal de protestations d’un secteur du public, on ne sait pourquoi : empêcher que se produise l’inévitable accident ou  réprimer la manière de toréer ? Malgré cela, Juan continuait et dans un espace limité, faisait passer l’animal au plus près de son corps mais aussi dans des passes basses « templées » terminées derrière la hanche. Juan  se permettait une ultime passe surprise dans le dos et des bernadinas sous les récriminations bruyantes des uns et l’angoisse des autres. Estocade tendida. Un avis.

                                

Joaquín Galdos, moins connu que son compatriote Roca Rey avait la lourde tâche de passer après les « exploits » de Juan Leal. Son toreo est plus classique mais avec ses deux toros, il ne put que dessiner des passes sans expression. Le 3ème partait bien à l’assaut du cheval pour des piques courte la première traserra, bien placée la seconde. Après, venait la faena  presque exclusivement de la main droite, irrégulière dans sa posicion et son tracé. Le toro finissait par gratter le sol, tarder à charger. Un pinchazo hondo tendido suffisait avant les descabellos. Avec le 5ème, ce n’était guère mieux car ce toro donnait des signes de mansedumbre, était bien piqué par Oscar Bernal. Après un début de faena indécis de la part du toro, tantôt protestant dans la muleta, tantôt chargeant avec qualité, les charges sans transmission se réduisaient et le trasteo de Galdós n’intéressaient plus personne. Par bonheur, une estocade entière mettait fin à cette faena plate.

Juan Leal : une oreille ; un avis et ovation : deux avis et silence. Joaquín Galdos :saluts ; silence. Rafael González : blessé. Cornada en la face anterieure de la cuisse gauche, trajectoire 20 cm qui atteint l’épine antéro-supérieure gauche. Diagniostic: grave. Roberto Blanco saluait après la pose de banderilles au 5ème . Se distinguaient  Oscar Bernal , picador et Ángel Gómez Escorial aux banderilles et à la brega, tous trois  de la cuadrilla de Joaquín Galdós.

Georges Marcillac

Photos de Plaza 1

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